L’auto-édition, c’est beaucoup plus facile maintenant que dans les années 80 grâce au numérique, qui permet de créer des livres imprimés à la demande et réduire ainsi l’investissement et les stocks, ou tout simplement de vendre la version digitale du livre dans des bibliothèques numériques (et c’est parfois même sans aucun frais dans le cas d’un financement participatif réussi). Mais avec ces deux méthodes d’édition, on se heurte de plein fouet à la chaîne du livre.
Pour avoir un minimum de notoriété, il faut que votre livre soit disponible en librairie. Une fois qu’il y est, il faut également qu’il ait une bonne place dans les linéaires, mais ça, c’est le boulot de vos représentants. C’est un boulot à plein temps, et si vous êtes en auto-édition, les représentants, vous n’avez pas de quoi vous les payer. Ce n’est d’ailleurs pas la seule chose que vous ne pouvez pas vous payer. À cause des pourcentages faramineux qu’il faut donner aux distributeurs et de la marge du libraire, le prix unitaire du livre doit être extrêmement bas pour être rentable. En impression numérique, ce n’est pas possible. Il vous faut une impression en offset, avec le plus grand nombre d’exemplaires possible pour faire baisser le prix unitaire et avoir une marge raisonnable.
Les bibliothèques numériques
Reste les bibliothèques numériques, mais ce n’est pas la panacée. Votre livre risque d’être noyé dans une masse d’autres livres, parmi lesquels seuls sont mis en valeur les livres déjà populaires. De plus, vous vous heurtez à la carence promotionnelle inhérente à la nature du média : le numérique, c’est le Mal. La chaîne du livre ne va pas promouvoir activement les éditions numériques ni, par extension, les bibliothèques numériques qui les hébergent, parce que ce n’est l’intérêt de personne. Même pas de l’auteur lui-même d’ailleurs, puisqu’une édition numérique fait sauter la clause de la provision sur retours. Pour faire simple : dans le circuit normal de la chaîne du livre, le libraire commande une certaine quantité de livres, l’éditeur encaisse l’argent, verse les droits d’auteur en estimant le nombre de retours possibles, puis régularise ce nombre de retours lorsqu’il a les données de retours réels. En d’autres termes, dans un circuit normal de distribution, tout le monde est payé d’avance sur des produits qui n’ont pas encore été vendus. Quand on est producteur de musique ou éditeur de livres, difficile dans ces conditions d’apprécier le monde merveilleux du numérique…
Il vous faudra également bien cibler vos bibliothèques numériques. Evitez celles qui vous feront payer pour éditer votre livre avec leur logiciel (ça revient à vous faire payer la licence d’un logiciel dont ils sont les éditeurs, et ça peut parfois chiffrer). Evitez aussi celles qui ne peuvent pas vous faire de virement sans frais si le total de vos revenus est inférieur à une certaine somme. Vous n’allez pas forcement vous faire une fortune, donc vous risquez d’attendre indéfiniment d’atteindre la somme indiquée pour ne pas avoir à payer de frais pour votre rémunération… Et puis quand on y réfléchit… Si vous ne faites qu’une dizaine d’euros de bénéfices ce mois-ci par exemple, vous n’aurez rien tant que vous ne paierez pas les frais de virement. En revanche, si votre éditeur numérique gagne une dizaine d’euros de bénéfices sur 100 types comme vous, il aura gagné 1000 euros que personne ne lui demandera de reverser dans l’immédiat (pour ne pas payer de frais…). Il ne lui reste plus qu’à placer son argent, le reverser petit à petit à la demande, et faire de la pub pour se trouver de plus en plus d’artistes, talentueux ou non.
Et les bibliothèques publiques ?
Les bibliothèques publiques représentent un excellent moyen de se faire connaître en gagnant de l’argent, chaque prêt de livre étant rémunéré à ses intervenants s’ils sont inscrits à la Sofia. S’inscrire à la Sofia, ce n’est pas un problème, et ça permet au moins de recevoir tous les ans une rémunération pour copie privée numérique, donc autant s’inscrire. Avoir son livre en bibliothèque publique, en revanche, ce n’est pratiquement plus possible pour un petit éditeur. Les bibliothèques publiques majeures sont en partenariat avec de grandes chaînes de librairies pour la fourniture de livres. Si votre livre n’est pas disponible en librairie, il ne le sera pas non plus en bibliothèque, et ne fera donc pas concurrence aux livres de la librairie. Ici aussi, on se heurte au mur de la chaîne du livre.
Que reste-t-il donc aux petits éditeurs ? Leur seul espoir est de se faire remarquer par de grands éditeurs et finir par travailler pour eux, mais les grands éditeurs sont parfois assez cons pour les prendre pour des concurrents, ou au mieux pour des parasites, des auteurs qui font la promotion de modes d’édition dont il ne faut surtout pas parler parce que ce n’est pas convenable. Quand on est auto-éditeur, et qu’on fait face à un système qui fait semblant de promouvoir les artistes alors qu’il fait littéralement tout pour les écraser, le seul espoir qu’on puisse avoir est d’arriver à maintenir la tête hors de l’eau.
Et les bibliothèques publiques numériques ?
Les bibliothèques publiques numériques, ça existe depuis plusieurs années. C’est un concept hyper-intéressant, mais comme personne n’en parle, je vais bien être obligé d’y consacrer un article. Mes livres étant dispos chez Youboox, ils le sont également chez Archimed et CVS, les fournisseurs de bibliothèques numériques qui travaillent avec Youboox, et fournissent du contenu multimédia à diverses collectivités. Et cette fois, quand je parle de bibliothèque numérique, je parle bien de la version numérique d’une bibliothèque publique. Chaque fois que vous tournez une page de mes livres, même si ce livre est proposé gratuitement par la bibliothèque numérique du département, de la collectivité ou du comité d’entreprise auxquels vous êtes inscrit par exemple, je suis payé par Youboox. Elle est pas belle, la vie ?! Allez, tiens, je vais vous préparer aussi un article sur Youboox et les bibliothèque publiques numériques, pour clarifier tout ça !