Comics et société

Les comics sont une forme de bande dessinée populaire. C’est un genre qu’on n’a plus en France. On était pourtant bien partis dans les années 60-70, et on avait même réussi à créer un cinéma populaire, mais ça n’a pas tenu parce que la mentalité française est différente de la mentalité américaine : pour faire de la BD populaire, il ne faut pas avoir froid aux yeux, et les français sont plutôt conformistes.

De par leur statut de BD populaire, les comics reflètent systématiquement la mode du moment, et touchent tous les sujets brûlants, dans tous les domaines, qu’ils soient sociaux, scientifiques ou autres. L’une des conséquences de cet état de fait, est que leurs meilleurs scénaristes sont pratiquement tous futuristes. Quand un scénariste doit sortir une vingtaine de pages de scénario par mois pour plusieurs comics à la fois, dont les histoires se déroulent dans un univers contemporain ou un univers de science fiction reflétant au mieux l’avenir de cet univers contemporain, en écrivant à l’infini des variations sur le thème principal, il est constamment obligé d’extrapoler et d’élaborer des simulations. Les comics ont donc toujours été en avance littéralement sur tout, parfois sur plusieurs dizaines d’années. On entend par exemple beaucoup parler de nanotechnologie ces derniers temps. Hé bien nous, on nous rabâche ses conséquences possibles depuis les années 80.

Alors naturellement, les comics, en bon reflet de la culture populaire, sont marqués par les tendances politiques du moment. Pendant la seconde guerre mondiale par exemple, ils reflétaient la propagande américaine anti-nazi (le comic le plus notable étant Captain América, personnage justement créé pendant la seconde guerre mondiale), puis pendant les années 50-60, ils reflétaient la propagande américaine anti-communiste. Pendant les années 60-70, les comics ont reflété les mouvements hippies, gauchistes et ultra-libéraux en vogue, et ont commencé à devenir de plus en plus sérieux et adultes, voire parfois déprimants, avec l’arrivée d’une nouvelle génération de scénaristes issus d’une culture prônant la liberté sous toutes ses formes… en pleine guerre du Viêt Nam !

Dans les années 70, la libération de la femme faisait fureur, alors on a eu des comics certes machistes, mais de plus en plus progressistes. Pareil pour la place des noirs dans la société américaine, qui a évolué au point de teinter le cinéma populaire et lancer la mode de la Blaxploitation. Les comics conservaient un certain racisme, une certaine misogynie à cette époque, mais évoluaient bien plus vite que la société dont ils étaient le reflet. C’est d’ailleurs ce mélange qui les rendait aussi vivants. Quand le Kung-fu est devenu à la mode, à cette même période, tout le monde s’est mis à vendre du Kung-fu en mélangeant un peu tout et n’importe quoi. Le personnage de Master Khan dans la série Iron Fist par exemple est emblématique de la naïveté et l’ignorance des artistes de l’époque sur bien des sujets.

Dans les années 80-90, avec l’arrivée d’une nouvelle génération de scénaristes, tout en gardant une tendance libérale marquée, les comics se sont de plus en plus orientés vers la droite. Le courant libertaire était passé, les poitrines qui se dénudaient dans les magazines Marvel en noir et blanc étaient pudiquement recouvertes, et les artistes des années 90 essayaient de rendre leurs super-héroïnes le plus sexy possible, tout en respectant les règles en vigueur du Comics Code Authority (qui permet aux éditeurs de vendre leurs comics en grande surface sans qu’ils puissent être boycottés par les associations de consommateurs), ce qui donnait des costumes certes érotiques, mais quand même un peu bizarres quelque part.

A partir des années 2000, avec la généralisation des effets spéciaux informatiques, la qualité et la popularité des adaptations de comics au cinéma est montée d’un cran, et les règles sont devenues de plus en plus strictes au niveau culturel (les super-héroïnes sortent couvertes pour ne pas choquer les féministes, et on essaie d’intégrer toutes les minorités pour que tout le monde puisse s’identifier à des personnages positifs), tout en restant relativement souples au niveau de la violence, ce qui a parfois donné des histoires un peu étranges, empreintes d’une violence débridée associée à un respect démesuré de tous les personnages pour littéralement tout le monde… Dans la même logique, les tendances politiques sont à présent toutes représentées, et on essaie même de ne pas trop choquer les nazis, qui sont eux aussi devenus des personnes très sensibles.

De nos jours, les comics continuent de refléter leur époque envers et contre tout. Et pendant les élections américaines, c’est ce statut de BD populaire que les propagandistes nous ont envoyé dans la figure.

To be continued

About Eric Peyron

Eric Peyron n'est un Expert en Rien. Après trois années de Fac dont deux redoublements, Peyron a commencé les petits boulots en intérim pour gagner un peu de blé. Heureusement, inconditionnel de comics en version originale (à cause de la censure et des traductions lamentables de la plupart des versions françaises de l'époque), Peyron est rapidement devenu traducteur d'anglais autodidacte pour des magazines informatiques des années 1990-2000, puis pour de nombreuses sociétés de traduction. Suite au refus par ces mêmes sociétés d'accepter une augmentation de ses tarifs en vingt ans, Peyron a fini par revenir à ses premiers boulots au SMIC, qui paradoxalement, vingt ans plus tard, rapportent plus que des traductions techniques… Actuellement, l'Expert en Tout fait donc de la mise en rayon, des inventaires et démonstrations en grande surface, monte et démonte des stands d'animation, donne des flyers aux passants dans la rue, distribue des prospectus dans vos boîtes aux lettres, et remplace des affiches dans les toilettes des bars et restaurants. De jour comme de nuit. Accessoirement, il est aussi auteur de BD en auto-édition, mais ça, vous le savez probablement déjà. Bref, Peyron est un type qui ne comprend absolument rien à rien, comme la plupart des imbéciles qui se baladent régulièrement sur les réseaux sociaux, mais ça va pas l'empêcher de donner son avis !

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