L’article

La semaine dernière, j’ai lu un article de François Baranger sur Numérama au sujet des AI, et à la fin de cet article, il y avait la mention suivante :

Vous êtes un ou une artiste et vous voyez Midjourney d’un autre œil ? Vous souhaitez témoigner sur votre rapport aux nouvelles technologies, si votre métier ou votre passion est bouleversée par le développement du numérique, d’une manière positive ou négative, écrivez-nous

Du coup, le 31 janvier, j’ai envoyé l’email suivant à Numerama :

Je m’appelle Eric Peyron, je suis scénariste de BD en auto-édition, et je viens de voir à la fin de l’article de François Baranger que je peux vous écrire un article aussi. Je suis conscient que ce sera gratuit pour moi aussi, mais je lis tellement de bêtises sur les AI, d’un côté comme de l’autre, que ça m’a donné quand même envie de m’exprimer sur votre site. Si c’est OK pour vous, je peux vous envoyer ce que j’ai écrit.

Je m’attendais à une réponse du genre On a dit « Artiste », pas « Scénariste en auto-édition », Un artiste, c’est quelqu’un de connu, pas un type comme vous, On a vu votre mur Facebook, et on essaie d’arranger les choses, pas de les empirer, voire On la connaît, l’opinion des scénaristes en auto-édition, pas besoin d’en rajouter. Bref, je m’attendais un peu au pire.

Tout va bien, je n’ai eu aucune réponse.

C’est normal, parfois les emails se perdent, mais c’est pas grave, parce que j’ai un blog, donc comme promis dans le post du 2 janvier, je publie cet article aujourd’hui, comme ça il ne sera pas perdu.

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Avant toute chose, je tiens à présenter mes excuses à mes amis anglophones qui suivent mes posts en anglais sur Facebook, ne parlent pas un mot de français et tomberont inévitablement sur cet article : il a été rédigé uniquement en français. Pour obtenir une version anglaise, vous pouvez soit utiliser des sites de traduction comme Google Translate, soit faire appel aux services d’un traducteur de français. La traduction sera de meilleure qualité, plus fiable et moins impersonnelle parce qu’elle sera effectuée par un humain. Et puis ça vous donnera l’occasion de soutenir un traducteur.

C’est juste que ce sera payant.

Si vous n’avez pas encore lu l’article de François Baranger, la première partie de ce que j’ai écrit lui est consacrée, donc lisez-le avant. Vous le trouverez à cette adresse.

Il y a quelques jours, beaucoup de mes amis Facebook se sont mis à partager cet article de l’un de mes peintres préférés (j’ai tous les livres de Lovecraft qu’il a illustré sauf le dernier dont j’attends la version anglaise). Avec la chance que j’ai en ce moment avec mes autres collègues artistes, après la lecture du présent article, il va me donner tout plein de leçons, me dire qu’il est très déçu de mon comportement et se fâcher (ça a l’air très à la mode sur Facebook en ce moment) mais bon… si de telles attitudes devaient influencer mes opinions, ce serait quand même malheureux, donc tant pis, on y va.

Et puis non, on va pas y aller tout de suite. Autant émettre un avertissement avant : dans cet article, je vais être un peu dur. Je m’aperçois que c’est inévitable, et beaucoup de personnes comme moi ont le même problème : quand on parle, on est tous vraiment plutôt cools et pas énervés pour deux sous, mais quand on écrit, le poids qu’on porte sur nos épaules commence à transparaître et les mots ont toujours l’air un peu durs et cassants. Je m’en excuse par avance, et sans ironie cette fois.

Je suis scénariste de BD en auto-édition depuis 14 ans. Je paie mes dessinateurs, mais pas ma promotion, donc mes BD sont pratiquement invisibles, mes ventes sont inférieures à mes frais et mon déficit augmente littéralement tous les mois parce que je commande des planches tous les mois. Mes financements participatifs n’ont pas marché, et je bénéficie du soutien de très peu de libraires. C’est normal parce qu’avec ma méthode de diffusion (en numérique et sur Amazon), je ne leur rapporte pas un rond. Je suis un éditeur non-essentiel. Certains libraires acceptent ma présence dans les festivals de BD qu’ils contribuent à organiser avec l’aide de la mairie et d’associations dont ils font partie, mais uniquement si je leur donne un pourcentage. D’autres refusent tout simplement la participation des éditeurs dont les livres ne sont pas en vente en librairie. Les rares libraires et associations qui me soutiennent m’accordent une place dans leurs festivals à des conditions avantageuses, voire parfois gratuitement, et je leur en suis reconnaissant parce que c’est déjà beaucoup. Des artistes, j’en rencontre souvent, et je m’entends généralement très bien avec eux, mais comment pourraient-ils me soutenir concrètement ? Je bénéficie du soutien moral de beaucoup d’artistes, et ça aussi, c’est déjà beaucoup. Et puis après tout, si mon entreprise ne marche pas, je n’ai qu’à tout simplement fermer. Je vous donne l’impression de trop me plaindre ? De jouer les martyrs ? Bon ben, on va arrêter de parler de moi alors. Parlons plutôt des artistes. Et commençons par l’article en question.

Alors François Baranger a écrit un super article. J’entends par là que c’est bien écrit. Quand on arrive à la fin, on a la sensation que les AI vont piquer le métier de nos artistes préférés parce qu’elles utilisent des copies illicites de leurs travaux au mépris de leurs droits d’auteur (ce que tout le monde a tendance à identifier à du vol parce que le mot « Vol » est simple, immédiatement compréhensible et déclenche une réponse émotionnelle directe).

Dans cet article, on a bien une petite mention pour les utilisateurs normaux de réseaux sociaux qui se font eux-aussi piquer leurs photos, mais sans trop détailler, parce qu’apparemment, même si ça vaut le coup de les mentioner, ce n’est pas très important. Et c’est vrai que quand vous prenez une photo en faisant sourire tous les participants, sans même réfléchir à un semblant de composition, ça ne dure parfois qu’une seconde et il n’y a aucun travail derrière, donc sans dire ce que vous êtes, on peut quand même dire ce que vous n’êtes pas : vous n’êtes pas un artiste.

À la fin de l’article, donc, on comprend bien qu’il y a un problème. C’est dommage, parce que si on y réfléchissait réellement du point de vue d’un simple utilisateur de réseau social, on comprendrait qu’en réalité, il y en a deux : la spoliation des auteurs, voire de simples utilisateurs par des entreprises spécialisées dans les AI, et la disparition de nombreux métiers à cause d’une évolution de l’informatique. Ce sont deux problèmes complètement différents.

L’article commence avec toute une section qui paradoxalement, semble s’adresser aux artistes et non pas aux utilisateurs, et qui prêche donc les convertis. On y trouve même une question qui pourrait faire office de sujet de bac de philo : « Est-il légitime de trouver « belle » une image derrière laquelle ne se trouvait aucun artiste ? » Oui ? Non ? Moi non plus je ne sais pas. Vous avez deux heures. Je vous avoue que c’est une question que je ne me suis jamais posée. Je ne sais pas non plus quel son produit le claquement d’une seule main. Dans le même esprit, je ne comprend pas comment une image peut « sembler belle ». Pour moi, elle est belle ou elle ne l’est pas, quels que soient ses défauts, et dans les tableaux des peintres classiques, des défauts, il y en a plein.

La dernière phrase de la première partie, « ces générateurs d’images font peser à moyen terme un réel danger sur toute la création artistique. » m’a redonné un peut d’espoir parce que c’est vrai. Le danger est bien réel.

Et là, on passe à la deuxième partie intitulée « L’inspiration comme l’art, ne peut qu’être humaine » Vous avez deux heures. Et le premier paragraphe vous prévient même à l’avance de l’aspect philosophique des lignes qui suivent. Difficile d’être en accord ou en désaccord, à part sur la section concernant l’AI à laquelle on ne pourrait pas demander une vision personnelle de la cathédrale de Rouen. Bien sûr qu’on ne pourrait pas… On est seulement en 2023…

La section sur la différence entre l’inspiration et le plagiat est intéressante, mais pourrait s’appliquer aux artistes aussi bien qu’aux AI. En tant que lecteur de comics, je constate ce que l’auteur qualifie de plagiat dans tout ce que je lis. Je vois des copies de positions de personnages (peut-être un peu moins souvent maintenant que la plupart des artistes « s’inspirent » de modèles 3D), parfois la rigidité des mouvements indique que les artistes ont travaillé d’après photo, mais tout cela ne me dérange pas parce que je ne lis pas des morceaux de dessins copiés, de la 3D maquillée ou des copies de photos. Je lis le résultat final.

Quand j’ai lu le titre de la troisième partie intitulée « Les générateurs d’images comme MidJourney volent le travail des artistes », je me suis dit « Enfin du concret ! » Et ça tombait bien parce que sans être d’accord avec le mot « Vol » ni avec la confusion entre un logiciel et une entreprise, je croyais comprendre où l’auteur voulait en venir.

Et tout à coup, deux lignes plus loin, je suis asséné d’un « C’est même leur principe de fonctionnement ». Non. C’est faux, et c’est avec ce type de raisonnement qu’on va mélanger deux problèmes et se retrouver avec zéro solutions. C’est juste le principe de fonctionnement d’entreprises comme MidJourney, pas le principe de fonctionnement d’un générateur d’images.

Heureusement, on a eu la phrase « ces entreprises se servent du travail des artistes sans leur demander leur avis et, cela va de soi, sans les rémunérer. » Oui ! On y est presque ! C’est juste qu’il faut absolument généraliser. Ces entreprises se servent de TOUTES les images sans rémunérer leurs auteurs ni même leur demander leur autorisation. Et elles font des bénéfices avec. Evidemment, ce n’est pas normal, et ça nous concerne tous, pas seulement une poignée de personnes exceptionnelles.

On a ensuite des explications sur ce que sont les droits d’auteur. Je ne sais pas quelles sont les discussions entre l’auteur et ses détracteurs au sujet des AI, parce que l’algorithme de Facebook ne les pousse pas sur mon fil d’actualité (et si c’était le cas, vous pouvez parier que je ne me gênerais pas pour les citer aussi), mais je compatis. Les gens que l’auteur décrit dans ce paragraphe ont l’air vraiment très cons.

La partie intitulée « La mort des petits jobs pour les artistes » était très lucide et a le mérite de rappeler qu’on ne devient pas un artiste accompli sans travailler. Je crois que c’est une notion qu’il faut constamment rappeler à tout le monde, le mot « Artiste » étant péjoratif pour beaucoup. La phrase « Sans possibilité de se lancer, la plupart des artistes disparaîtront. » donne involontairement une bonne définition du milieu artistique. Même avant l’avénement des AI, de nombreux artistes disparaissaient parce qu’ils ne trouvaient aucun créneau et qu’il fallait bien gagner sa vie. La différence, avec l’arrivée des AI, c’est que les artistes en place risquent de disparaître aussi, donc quand des artistes en devenir ne trouveront aucun travail, au lieu de se dire « Un concurrent potentiel en moins », les artistes les plus territoriaux se diront « Demain, ce sera peut-être mon tour. »

La partie sur la différence entre innovation et progrès était intéressante, en ce sens que je ne m’étais jamais posé la question et que j’étais donc presque prêt à changer d’avis. Ça m’est passé dès la deuxième phrase qui valorise l’outil informatique par opposition aux AI. Dans les années 90, l’outil informatique a complètement transformé le travail des lettreurs et des coloristes (pour ne citer qu’eux) dans le monde des comics qui est principalement un environnement de production. Pour quelqu’un qui a l’habitude d’utiliser un ordinateur, ça ne signifie pas grand chose : au pire, ça oblige les lettreurs et les coloristes américains qui n’ont pas d’ordinateur à en acheter un. Pour ceux qui n’ont pas l’habitude par contre, notamment les plus âgés d’entre eux ou ceux qui ont des problèmes de dyslexie, ça signifie qu’il faut soit faire appel aux services (payants) d’un assistant, soit tout simplement arrêter de travailler. La différence entre innovation et progrès est très relative, et dépend en réalité du vécu de chacun.

La conclusion m’a bien plu par contre, parce que comme l’indique le titre, « Tous les métiers sont concernés par l’IA » Effectivement c’est vrai, tous les métiers sont menacés, et ça me fait personnellement marrer que les cabinets de conseil soient appelés à disparaître aussi. Le gouvernement et l’opposition auront la possibilité de les remplacer par une AI, les uns pour gouverner sans se fatiguer, les autres pour savoir avec quelle décision il ne faut pas être d’accord pour rester en opposition avec le gouvernement sans se contredire. Et le petit peuple pourra prévoir les réactions du gouvernement et de l’opposition à tous les événements juste en entrant les bons prompts dans une AI. On entre dans une nouvelle ère en dégringolant les escaliers, mais on va quand même passer de bons moments.

Et quelle est mon opinion sur le sujet dans tout ça ? Elle est différente des opinions des partisans et détracteurs des AI, parce que contrairement à eux, je ne prêche pas pour une paroisse à laquelle je n’appartiens pas, et je distingue deux problèmes au lieu d’un.

On va commencer par le problème immédiat : l’utilisation d’images sans l’accord de ceux qui en sont à l’origine et la spoliation des auteurs

En tant que simple utilisateur de réseau social, ça ne me dérange pas particulièrement que mes photos soient utilisées par des entreprises pour générer une photo complètement inédite d’un personnage fictif. Je ne considère pas ça comme une atteinte à mon droit à l’image parce qu’il sera impossible de retrouver les photos en question dans le résultat final. En revanche, ça me dérange de ne pas être payé. Pas en droits d’auteur, et pas une fortune bien entendu. Juste payé.

Contrairement à de nombreux auteurs, je comprends la raison pour laquelle je ne suis pas payé : c’est parce que quand j’ouvre un compte sur un réseau social ou un réseau d’hébergement d’images, même si je conserve tous mes droits sur les images que je poste, je cède mes droits d’exploitation. Pour simplifier, ça signifie que je n’ai aucun droit de regard sur la façon dont les fichiers contenant mes images seront utilisés par le réseau social ou d’hébergement d’images, qui a donc le droit de passer des accords avec des entreprises tierces concernant ces fichiers bien entendu, mais aussi de littéralement les laisser à disposition sans faire aucun effort pour les protéger (à part leur attribuer une étiquette « Ne pas voler ». C’est ridicule, mais c’est le rôle de la balise « NoAI » dans les réseaux d’hébergement d’images. On laisse les portes grandes ouvertes et on écrit « Ne pas voler ») ni même m’informer d’un éventuel data-mining dont mes photos auraient fait l’objet.

Ça paraît compliqué ? C’est normal, ce n’est pas simple. Retenez seulement que pour utiliser vos photos et images à quelque fin que ce soit, votre hébergeur n’a pas besoin de votre accord parce que vous l’avez déjà donné. Vous l’avez donné pour toute utilisation future lorsque vous avez créé votre compte sans savoir quelles seraient ces utilisations futures, et notez que votre hébergeur ne les connaît pas toutes à l’avance non plus. Dans le même esprit, si vos images font l’objet d’un data-mining, votre hébergeur n’est pas tenu de vous rendre des comptes parce que c’est lui qui subit ce data-mining, pas vous. Les choses sont très différentes avec vos mots de passe par exemple, parce que les lois de tous les pays obligent votre hébergeur à vous informer et prendre des dispositions rapidement en cas de data-mining.

Avant l’avénement des AI, cette sorte de mise à disposition tacite de mes photos ne me dérangeait pas, mais maintenant oui parce que du jour au lendemain, le monde a changé, et les règles doivent changer aussi. À présent, pour tout ce qui concerne le data-mining, j’ai envie que mes photos soient aussi protégées que mes données personnelles. J’ai envie de pouvoir accepter ou refuser qu’elles soient utilisées, et si j’accepte, j’ai envie d’être rémunéré.

Je suis également très conscient que je ne vais pas récupérer cette partie de mes droits d’exploitation sur simple demande. On a besoin de plaintes collectives, de nouvelles lois et d’une jurisprudence.

On a besoin que les associations de consommateurs de tous les pays viennent mettre leurs nez dans ces histoires, parce qu’on est littéralement tous concernés.

Passons maintenant au deuxième problème : la disparition de très nombreux métiers à cause des AI.

Concernant la technologie elle-même (et non pas l’entreprise qui en est à l’origine), une AI n’est pas un danger pour vos droits d’auteur, et vous aurez l’occasion de le constater quand inévitablement, vous utiliserez une AI dans vos applications professionnelles. Vous pourrez charger vos propres dessins dans l’application, et les combiner à des images libres de droit pour créer de nouvelles images dans votre propre style, ce qui est complètement légal. L’avantage certain, c’est que même si vous devenez handicapé, vous pourrez quand même continuer à vivre de votre travail grâce à une AI, même si dicter des lignes de texte sera certainement moins passionnant que dessiner. L’inconvénient, c’est que personne ne pourra voir les images originales que vous chargerez, donc vous pourrez aussi charger les images de quelqu’un d’autre en plus des vôtres, et faire des progrès fulgurants sans qu’on comprenne comment… Bon d’accord, à la limite, c’est peut-être un avantage aussi, si vous n’en parlez pas…

Les logiciels d’AI ne représentent pas un danger pour vos droits d’auteurs, mais bien un danger pour vos différents métiers.

Tout le monde va utiliser des AI (moi le premier quand je trouverai les applications ou les modules externes qui me conviennent). C’est véritablement l’avenir. Et bien entendu, des métiers vont réellement disparaître. Le métier d’intervalliste en animation est déjà en voie de disparition, et beaucoup d’autres métiers suivront, c’est inévitable. Pas seulement dans le monde du divertissement, mais aussi dans tous les autres domaines, par exemple celui du journalisme, puisqu’une AI pourra aller piocher une dépêche sur le site de l’AFP et générer un article en quelques secondes en lui donnant l’orientation politique souhaitée par la direction éditoriale.

Le métier de scénariste est naturellement menacé aussi (même si ça ne me concerne pas personnellement. Je ne peux pas me faire virer d’un emploi que je n’ai jamais eu). Les films d’horreur américains pour adolescents par exemple sont d’excellents candidats pour une écriture par une AI, parce qu’ils sont complètement formatés. Une AI bien programmée respectera tout aussi bien le cahier des charges, et s’en tirera forcément avec les honneurs.

Encore quelques mots avant de se quitter, puis qu’apparemment le simple partage d’images en AI pose problème à beaucoup de monde, qu’il s’agisse des auteurs, des personnes qui les soutiennent ou des mercenaires que certains partis politiques paient pour nous diviser.

Concernant les droits d’auteurs, la polémique autour de ce fameux « vol d’images » dont on nous parle tant ne me concerne pas. Je me suis retrouvé en plein dedans quand j’ai posté des images en AI réalisées par des abonnés à MidJourney, et que des auteurs en colère m’en ont mis plein la gueule par commentaires interposés, mais la polémique en elle-même ne me concerne pas. Si un truc me plait, je le poste, que ce soit une caricature du prophète (en fonction de l’actualité), des images de Gotlib (en fonction de l’actualité future apparemment…), des images de Games of Thrones (une série qui pose problème à très peu de gens pour le moment, mais regardez bien les épisodes. Vous allez comprendre…) ou toute autre image « interdite » sous peine de pression sociale et d’impopularité. Je ne me pose aucune question philosophique ni éthique au sujet du partage d’images sur Facebook, d’autant plus que je partage les posts que je trouve sur mon flux d’actualité, donc des posts déjà validés par Facebook.

L’utilisation d’images sujettes à copyright par des AI est bien un sujet brûlant, mais comme une AI transforme littéralement des parties d’images copiées pour créer une nouvelle image complètement inédite, cette utilisation n’est malheureusement pas forcément illégale. Pour vous donner un exemple un peu simpliste mais compréhensible, quand on utilise des ingrédients pour faire un gâteau, on doit nécessairement payer ces ingrédients, même si visuellement, ils n’apparaissent pas tels quels dans le résultat final, et si on copie ces mêmes ingrédients un million de fois pour les réutiliser, on devrait au moins payer une licence d’exploitation. Mais à qui doit-on payer ces ingrédients ? Dans ce cas précis, vous êtes certains que ce sont bien les détenteurs des droits d’auteur qu’on doit rémunérer ? C’est peut-être bien le cas, mais je n’en suis pas si sûr.

Le fait est que malgré la certitude des artistes sur le sujet, on reste pour le moment dans un flou juridique total. Pour être sûr de la légalité de la chose, on attend de nouvelles lois, de nouvelles jurisprudences, et c’est ce qui permet à Facebook d’autoriser par défaut la diffusion de ces images tout en laissant nos propres photos à disposition des entreprises d’AI, et en se nourrissant bien sûr de la controverse qui augmente les connexions.

Donc oui, pour le moment, on peut tout à fait partager des images réalisées en AI sur un réseau social.

À ce sujet, certains artistes m’ont également reproché mon manque d’éthique en prétendant que je fais la « promotion d’images volées » quand je partage des images MidJourney sur mon mur Facebook, mais dans mon esprit, ce n’est pas de la promotion, parce que la promotion, ce n’est pas gratuit. C’est payant. Quand je partage une image, sa promotion gratuite est certainement une conséquence, alors quand je partage les vôtres, ne me remerciez pas, c’est avec plaisir. Quand je partage de soit-disant « images volées » ou d’autres images à ne pas partager sous peine de pression sociale, foutez-moi la paix. Avec moi, la « promotion » comme vous dites, c’est gratuit pour tout le monde, pas seulement pour quelques individus à l’éthique irréprochable qui apprécient un peu trop le goût du gratuit. Concernant les images générées en AI, je partagerai celles que je trouve les plus jolies et originales tant que Facebook ne l’interdira pas. Et si Facebook l’interdit, le problème ne se posera même pas, puisqu’elles seront supprimées.

Cet espèce de harcèlement dont font l’objet les gens comme moi qui ne font que partager des images en AI sans en être à l’origine, cette condescendance, ce paternalisme déplacé, ces leçons d’éthique par des personnes qui ne s’en préoccupaient pas quand l’informatique a boulversé des métiers qui n’étaient pas les leurs, ce narcissisme et cette hypocrisie latente, je trouve ça lamentable (même si ça ne concerne aucunement François Baranger qui est l’un des seuls artistes à avoir été correct avec moi sur le sujet).

Les artistes n’arriveront jamais à rien en s’en prenant aux faibles, aux derniers maillons de la chaîne, aux proies faciles. Au lieu d’essayer d’arrêter le progrès juste en s’énervant contre n’importe qui, ils feraient mieux de se regrouper, consulter un avocat, déterminer à quel moment et en quoi ils ont été réellement lésés, et faire quelque chose de concret. Une plainte collective contre les bons organismes, par exemple.

Les AI vont se retrouver littéralement partout, et il va falloir trouver un moyen de les rendre lucratives POUR TOUT LE MONDE au lieu de juste tourner en rond en ne pensant qu’à soi et essayer d’enterrer une technologie qui ne convient pas à une poignée de personnes influentes. On ne va pas résoudre le problème en brûlant les ordinateurs comme on a autrefois brûlé les livres. La seule solution est toujours la même, parce qu’on a toujours eu les mêmes problèmes quelle que soit l’époque : il faut lutter contre l’exploitation, pas contre le progrès technique.

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Et hop, un article de terminé ! Je n’ai pas eu l’occasion de le proposer à Numerama parce que, comme lorsque j’envoyais mes dossiers de presse à des sites spécialisés il y a une dizaine d’années, ma demande par email s’est probablement perdue.

Ce sont des choses qui arrivent, les aléas de l’informatique.

Je n’ai pas jugé utile de les relancer.

Allez, je vous laisse avec une galerie de bouquins 100% artisanaux, même si on utilise quand même pas mal d’informatique pour les couleurs, le lettrage, les maquettes, et heu… 

Allez, je vous laisse avec une galerie de bouquins artisanaux à 50%.

A propos Eric Peyron

Eric Peyron n'est un Expert en Rien. Après trois années de Fac dont deux redoublements, Peyron a commencé les petits boulots en intérim pour gagner un peu de blé. Heureusement, inconditionnel de comics en version originale (à cause de la censure et des traductions lamentables de la plupart des versions françaises de l'époque), Peyron est rapidement devenu traducteur d'anglais autodidacte pour des magazines informatiques des années 1990-2000, puis pour de nombreuses sociétés de traduction. Suite au refus par ces mêmes sociétés d'accepter une augmentation de ses tarifs en vingt ans, Peyron a fini par revenir à ses premiers boulots au SMIC, qui paradoxalement, vingt ans plus tard, rapportent plus que des traductions techniques… Actuellement, l'Expert en Tout fait donc de la mise en rayon, des inventaires et démonstrations en grande surface, monte et démonte des stands d'animation, donne des flyers aux passants dans la rue, distribue des prospectus dans vos boîtes aux lettres, et remplace des affiches dans les toilettes des bars et restaurants. De jour comme de nuit. Accessoirement, il est aussi auteur de BD en auto-édition, mais ça, vous le savez probablement déjà. Bref, Peyron est un type qui ne comprend absolument rien à rien, comme la plupart des imbéciles qui se baladent régulièrement sur les réseaux sociaux, mais ça va pas l'empêcher de donner son avis !

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