AI, copies de style et droits d’auteur

Pour aujourd’hui, j’avais réfléchi à un article sur la différence entre le vol et la copie, mais avant ça, je me suis dit que je devrais quand même me mettre un peu dans la peau d’un artiste lésé pour une fois, puis aller jusqu’au bout de la logique et examiner quels seraient mes recours en justice. Parce que quand on est lésé, généralement, on réfléchit à un recours en justice. À moi, ça me paraîtrait normal en tout cas.

Alors supposons que je sois un artiste connu (oui, bon, ça va…) et que je sois résolument contre les AI, parce qu’elles produisent en une seconde des images que je mettrais des jours à peindre en travaillant à plein temps, tout en utilisant sans mon autorisation des peintures que j’ai moi-même créées.

Bon, déjà l’argument qu’une AI travaille plus vite que moi et me fait une concurrence déloyale parce qu’elle est plus rapide peut être mis au placard. Après tout, les surdoués me font déjà le même type de concurrence déloyale : ils ont appris plus vite que moi en étudiant moins longtemps, ils travaillent plus vite que moi, et aucune loi ne me donne le droit de leur casser les doigts.

Reste l’argument des droits d’auteurs. Certaines images utilisées comme ingrédients par l’AI pour l’image finale, c’est quand même moi qui les ai créées, et même sans parler pognon, je peux quand même affirmer que je n’ai pas donné mon autorisation, parce que personne ne m’a demandé mon avis.

À ce stade, légalement, c’est déjà un casse-tête, parce qu’il faudrait d’abord trouver précisément l’origine de ces fameuses images (j’y reviendrai probablement dans un autre article), mais pour cet article, on va prendre les mêmes raccourcis juridiques que les artistes, et se concentrer uniquement sur les droits d’auteur et non pas sur les licences d’exploitation.

Donc, si je veux faire quelque chose de concret au lieu d’utiliser le poids de ma notoriété pour harceler le péquin moyen, comment procéder ?

Pour commencer, il va me falloir apporter des preuves que j’ai été personnellement lésé. Prétendre qu’il est illégal d’utiliser des millions d’images sans autorisation pour créer des images complètement inédites, c’est probablement vrai, mais le dire, ce n’est pas suffisant. Se mettre en colère, ce n’est pas suffisant. Ça défoule, mais ce n’est pas suffisant.

Je vais donc devoir trouver quelles sont les images qui me concernent personnellement. Le plus simple, ce serait de trouver les images en AI qui copient mon style si particulier et reconnaissable. Ensuite, il faudra que je cherche dans ces images en AI lesquelles des miennes ont été utilisées sans mon accord. Le problème, c’est que c’est devenu pratiquement impossible à cause du fonctionnement même des AI : si une AI combine une photo de mon chien avec d’autres photos diverses pour créer un nouveau chien d’une race complètement inédite, même en étant persuadé qu’elle a bien utilisé une photo de mon chien, je ne vais pas arriver à le retrouver dans le résultat final, ce foutu chien.

Prouver qu’un de vos tableaux a été utilisé pour la réalisation d’une image inédite, ça va pas le faire. Il faudrait démonter toute l’image en ingénierie inverse, et je ne sais même pas si on a les applications pour le faire… 

Reste la copie de style. Il sera souvent possible de retrouver votre style sur une image en AI, à plus forte raison si c’est exactement ce qu’avait demandé le créateur de l’image. Pas de bol, la copie de style n’est pas interdite pour le moment. On pourrait disserter là-dessus, mais autant aller jusqu’au bout de la logique, et supposer que finalement, on arrive à changer les lois. Parce que les lois, c’est pas comme un livre religieux, ça évolue en fonction des périodes.

Supposons qu’on arrive à rendre illégale la copie de style par une AI. Là, on va se retrouver dans une logique d’escalade complètement différente. Parce qu’après tout, si une machine n’a pas le droit de copier mon style, pourquoi un humain en aurait-il le droit ? Puisque le problème, c’est la copie de style. S’il y a un préjudice quand une machine est à l’oeuvre, pourquoi n’y aurait-il pas exactement le même préjudice quand il s’agit d’un humain ?

Alors je comprends qu’en France, on n’ait pas cette notion de copie de style autorisée, mais moi j’ai plutôt grandi en lisant des comics, et dans les comics, on a différents dessinateurs vedettes par période dont le style en vogue est systématiquement copié par plein de nouveaux venus, qui évoluent ensuite pour découvrir leur propre style. C’est un peu comme ça qu’ils commencent leur carrière. Est-ce qu’on a vraiment le droit de les tuer dans l’œuf eux aussi pour rester les seuls sur scène ?

Ouh, ça fait beaucoup de questions ça, je crois que je vais plutôt aller me coucher…

Allez, je vous laisse avec une galerie de bouquins 100% artisanaux, même si on utilise quand même pas mal d’informatique pour les couleurs, le lettrage, les maquettes, et heu… 

Allez, je vous laisse avec une galerie de bouquins artisanaux à 50%.

A propos Eric Peyron

Eric Peyron n'est un Expert en Rien. Après trois années de Fac dont deux redoublements, Peyron a commencé les petits boulots en intérim pour gagner un peu de blé. Heureusement, inconditionnel de comics en version originale (à cause de la censure et des traductions lamentables de la plupart des versions françaises de l'époque), Peyron est rapidement devenu traducteur d'anglais autodidacte pour des magazines informatiques des années 1990-2000, puis pour de nombreuses sociétés de traduction. Suite au refus par ces mêmes sociétés d'accepter une augmentation de ses tarifs en vingt ans, Peyron a fini par revenir à ses premiers boulots au SMIC, qui paradoxalement, vingt ans plus tard, rapportent plus que des traductions techniques… Actuellement, l'Expert en Tout fait donc de la mise en rayon, des inventaires et démonstrations en grande surface, monte et démonte des stands d'animation, donne des flyers aux passants dans la rue, distribue des prospectus dans vos boîtes aux lettres, et remplace des affiches dans les toilettes des bars et restaurants. De jour comme de nuit. Accessoirement, il est aussi auteur de BD en auto-édition, mais ça, vous le savez probablement déjà. Bref, Peyron est un type qui ne comprend absolument rien à rien, comme la plupart des imbéciles qui se baladent régulièrement sur les réseaux sociaux, mais ça va pas l'empêcher de donner son avis !

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