Propagande et réseaux sociaux

Nous sommes en pleine guerre froide et à votre insu, vous avez tous été recrutés. George Orwell, 1984. Il en a dit des trucs, le George, dans 1984…

La bonne nouvelle, c’est que vous pouvez tous faire quelque chose, alors autant consacrer une série d’articles à la propagande, qui est appelée à s’intensifier considérablement ces prochaines années sur les réseaux sociaux.

Normalement, la propagande n’aurait pas dû trop me concerner parce que mes activités principales sur les réseaux sociaux devraient consister à faire une vague promotion de mes livres (la promotion, c’est pas mon truc, désolé), et glaner et partager des informations sur mon sujet de prédilection, à savoir les comics. Malheureusement, ce n’est pas parce qu’on essaie de s’isoler que les gens vont nous laisser tranquilles…

J’ai commencé à essayer de comprendre la propagande en 2016, au moment des campagnes électorales de Trump et Clinton, qui ont été minées par la propagande russe et américaine. À cette époque, toutes les catégories sociales ont été ciblées par la propagande de Poutine et Trump. En fait, je crois que Poutine ne s’attendait pas non plus à ce que Trump soit élu, malgré tout le battage qu’il a fait pour renforcer sa position. Il s’attendait probablement à créer un schéma comme celui de la France, la propagande extérieure consistant principalement à miner la confiance d’un peuple en son gouvernement en renforçant les extrêmes, pour maintenir le pays en constant déséquilibre. Comme tout le monde, Poutine a dû identifier Trump comme un narcissique, et on a tous tendance à prendre les narcissiques pour des cons…

Et comme toutes les catégories sociales ont été touchées par cette propagande de 2016, les lecteurs de comics (différents des lecteurs de BD franco-belge, qui n’étaient alors pas identifiés comme facteur majeur d’influence pour les élections américaines) s’en sont pris plein la gueule. On ne comprenait pas trop ce qui se passait. Tout le monde devenait politisé, et réagissait dix fois trop fort à des événements promotionnels qui auraient dû rester anodins et confinés au monde des comics. Parallèlement, de nombreux amis Facebook dormants se sont mis à se réveiller et à poster systématiquement les posts de RT (Russia Today, la chaîne officielle du gouvernement Russe, devenue internationale avec le développement des réseaux sociaux. Ce n’est pas un secret. C’est officiel), In The Now (une chaîne vidéo russe techniquement très bien foutue, et qui reprend le titre de « In The Know » avec une lettre en moins pour qu’on puisse faire la confusion), des sites paranoïaques habituels qui essaient d’expliquer les accidents par des complots, et les sites de propagande évidente, les blogs politiques principalement, ceux qui ciblent les cons et vos enfants. Les noms de ces derniers sites et leurs gros titres sont accrocheurs et très faciles à comprendre, et le pigeon ne lira souvent que les gros titres. Ces blogs étaient divisés en deux catégories principales à cette époque : les partisans de Clinton et les partisans de Trump. Et la rédaction des articles étaient tellement formatée qu’ils donnaient l’impression d’avoir tous été écrits par la même personne.

Ce n’était pas la première fois que les réseaux de propagande essayaient de diviser deux groupes antagonistes en martelant de l’intox sur ces deux groupes à la fois. On avait pris l’habitude de voir ces sites accentuer les clivages entre juifs et arabes, par exemple, ce qui a notamment contribué au développement de l’intégrisme et du terrorisme dans tous les pays européens (sauf la Russie, apparemment. On n’a jamais trop de nouvelles à ce sujet). Le terme antisioniste avait d’ailleurs été inventé pour la circonstance, pour qualifier les arabes qui détestent les juifs (les arabes étant d’origine sémite, comme la plupart des juifs, ne pouvaient pas se qualifier d’antisémites), terme qu’on avait justifié par la politique d’Israël à laquelle les enfants de l’époque, qui étaient presque tous sur Facebook malgré son interdiction aux moins de 18 ans, ne comprenaient pas grand chose, sinon que les juifs envoyaient des missiles sur les enfants. Le terme a été naturellement repris à leur compte par certains juifs sémites dans tous les pays (puisqu’il ne semblait concerner que la politique d’Israël), et le terme antisémite a été repris par beaucoup d’arabes, parce qu’il avait une connotation un peu plus forte que le terme antisioniste (et parce qu’ils n’avaient manifestement pas bien compris).

À mesure que les clivages se développaient, on assistait parallèlement à une guerre entre ce qui restait de la Syrie, soutenu par les Russes, et les territoires syriens occupés par l’Etat islamique, soutenu par… En fait on ne sait pas trop qui soutenait l’Etat islamique parce qu’on ne nous l’a pas dit. C’était un peu vague, et personne n’a jamais vraiment abordé le sujet chez nous. Toujours est-il que ce clivage de la Syrie était à l’avantage des USA et du reste de l’Europe, qui d’ailleurs s’étaient engagés très moyennement dans le conflit. Et l’ennemi des terroristes de l’Etat islamique aurait dû être la Russie. C’était compter sans une propagande massive sur les réseaux sociaux, qui a littéralement monté les arabes, non plus seulement contre les juifs, mais cette fois contre les démocraties européennes et américaines qui les hébergeaient. Une fois résolu le problème des réseaux terroristes organisés début 2016, il restait donc encore des personnes isolées, qu’on qualifiait de terroristes (faute de terme approprié), et qui commettaient des attentats (faute de terme approprié) parfois plus meurtriers qu’un réseau organisé, tous revendiqués par l’Etat islamique. Et on en a eu quand même beaucoup, des attentats. Les pays européens et les Etats Unis ont été obligés de riposter un peu plus violemment contre l’État islamique (en restant quand même dans certaines limites), et aider ainsi la Syrie à reprendre ses territoires pour le plus grand plaisir de la Russie…

Personnellement, je n’observais pas tout ça avec une grande implication. Je vais peut-être avoir l’air un peu égoïste, mais j’étais occupé à lire mes comics… Malheureusement, la propagande est passé au niveau supérieur avec les élections américaines, notamment, parce que la Russie n’en était pas la seule responsable. Le dosage était même tellement fort, qu’au lieu de rester dans son rôle prévu de frein aux actions gouvernementales d’un président modéré, l’extrémiste américain a cette fois été élu.

About Eric Peyron

Eric Peyron n'est un Expert en Rien. Après trois années de Fac dont deux redoublements, Peyron a commencé les petits boulots en intérim pour gagner un peu de blé. Heureusement, inconditionnel de comics en version originale (à cause de la censure et des traductions lamentables de la plupart des versions françaises de l'époque), Peyron est rapidement devenu traducteur d'anglais autodidacte pour des magazines informatiques des années 1990-2000, puis pour de nombreuses sociétés de traduction. Suite au refus par ces mêmes sociétés d'accepter une augmentation de ses tarifs en vingt ans, Peyron a fini par revenir à ses premiers boulots au SMIC, qui paradoxalement, vingt ans plus tard, rapportent plus que des traductions techniques… Actuellement, l'Expert en Tout fait donc de la mise en rayon, des inventaires et démonstrations en grande surface, monte et démonte des stands d'animation, donne des flyers aux passants dans la rue, distribue des prospectus dans vos boîtes aux lettres, et remplace des affiches dans les toilettes des bars et restaurants. De jour comme de nuit. Accessoirement, il est aussi auteur de BD en auto-édition, mais ça, vous le savez probablement déjà. Bref, Peyron est un type qui ne comprend absolument rien à rien, comme la plupart des imbéciles qui se baladent régulièrement sur les réseaux sociaux, mais ça va pas l'empêcher de donner son avis !

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