Kung-Fu et activisme

De nos jours, les comics continuent de refléter leur époque envers et contre tout. Et pendant les élections américaines, c’est ce statut de BD populaire que les propagandistes nous ont envoyé dans la figure, voire même un peu après, quand les activistes ont surfé sur la vague initiée par les populistes conservateurs et libéraux pendant quelques mois supplémentaires, avant que tous ces scandales artificiels retombent comme un soufflet.

Dans les années 70, notamment grâce à Bruce Lee, le Kung-Fu est devenu la nouvelle mode du moment, et tout le monde s’est mis à vendre du Kung-fu en mélangeant un peu tout et n’importe quoi. Jim Starlin et Steve Englehart, complètement fous de Kung-Fu, se sont donc pointés dans les bureaux de Marvel avec leur propre projet de série à la Bruce Lee, mettant en scène un chinois maître du Kung-Fu qui évoluait dans un univers de pulps adapté des romans Fu Manchu de Sax Rohmer. La combinaison était excellente, et en bon éditeur de comics capitaliste, Marvel était tout content d’éditer une série avec un sosie de Bruce Lee. Après tout, si les chinois qui font du Kung-Fu, ça rapporte, on allait servir aux lecteurs des chinois qui font du Kung-Fu. Bien entendu, la série a eu du succès, surtout avec l’arrivée de Doug Moench au scénario et de Paul Gulacy, suivi de Mike Zeck, et Gene Day (décédé beaucoup trop tôt) au dessin. La série a continué sur plus de cent numéros, avant de s’arrêter faute de lecteurs, la mode étant passée, et les scénarios devenant de moins en moins inspirés.

Et puis quelque chose est arrivé. Je ne sais pas trop quoi, mais on le voyait dès que Marvel essayait de relancer la série : impossible d’éditer des Trade Paperbacks (des compilations d’épisodes de l’ancienne série), et interdiction formelle de mentionner le nom Fu-Manchu dans tous les relaunch de Master of Kung-Fu.

À l’évidence empêtrée dans un problème de droits avec les ayants-droits de Sax Rohmer (problème apparemment résolu depuis quelques années pour les rééditions de la première série, mais pas pour la mythologie de Master of Kung-Fu : toujours pas de mention de Fu-Manchu dans les nouvelles séries, ni dans le film à venir), Marvel a décidé en 2017 d’adapter en série télé son deuxième personnage Kung-Fu, apparu quelques mois après Master of Kung-Fu : Iron Fist. La série Iron Fist était aussi une fusion entre les pulps et le Kung-Fu, mais la partie pulps de son origine, la cité de Kun-Lun qui rappelle un peu Shangri-La, était complètement inventée, donc pas de problème de droits (Notez que son pouvoir, en revanche n’était pas si original pour l’époque, comme le constateront ceux qui ont regardé le film La main de fer qui a contribué au lancement de la mode du Kung-Fu un peu avant Bruce Lee, mais il s’agissait probablement plus d’un homage que d’un plagiat). Comme Power Man (Luke Cage), le personnage d’Iron Fist gravitait également autour de la série Daredevil depuis la période Frank Miller dans les années 80, et Daredevil avait déjà été adapté en série télé en 2015. En toute logique, Marvel a embrayé sur des adaptations de Luke Cage et d’Iron Fist.

Comme les autres comics Kung-Fu de Marvel, notamment les Sons of the Tiger dans Deadly Hands of Kung-Fu, les histoires d’Iron Fist souffraient de la méconnaissance des cultures asiatiques. Le personnage de Master Khan, par exemple est emblématique de la naïveté et l’ignorance des artistes de l’époque sur bien des sujets. Mais ça, pour des activistes modernes, c’est un peu compliqué (et ça demande de se forcer à lire la série, ce qui n’est pas toujours possible quand on se fout royalement du monde des comics). Non, un activiste moderne se préoccupe surtout de la diversité, notamment de la représentation des asiates, terme qui bizarrement, dans leur esprit, signifie uniquement chinois

Le problème d’Iron Fist, c’est qu’il est blanc. Et en 2016 on était en pleine mode d’appropriation culturelle. L’appropriation culturelle, c’est une connerie raciste qui mène à des dérives complètement farfelues. Pour prendre l’exemple des arts martiaux, ce sont les chinois qui doivent faire du Kung-Fu. De leur côté, les japonais n’ont qu’à faire du Karaté, les juifs de la Krav maga, et les blancs d’origine française de la canne ou de la boxe française… C’est naturellement complètement con, mais quand une minorité se plaint d’appropriation culturelle, ça fait toujours son petit effet.

Au niveau de la propagande activiste, quand on pousse un peu la logique, ça fait d’Iron Fist un personnage raciste. Parce qu’il est blanc et qu’il fait du Kung-Fu. Et les propagandistes ne se sont pas privés. Ils ont même fait quelques recherches cette fois, pour trouver quel était le scénariste original de la série, en l’occurence Roy Thomas, et le qualifier de raciste. Et on était tous reparti pour quelques mois de délire au cours desquels on a pu lire tout et n’importe quoi de la part de rédacteurs qui ne comprenaient strictement rien aux comics. Naturellement, ils ignoraient complètement l’existence de Master of Kung-Fu, et se sont comportés un peu comme si Marvel favorisait les personnages blancs, sans comprendre comment fonctionnent les éditeurs de comics et les producteurs de cinéma populaire : on ne favorise pas les personnages blancs, on capitalise à outrance sur les personnages à la mode, quelle que soit leur couleur…

Ah, toutes ces histoires de comics me rappellent qu’il faut que je gagne un peu d’argent pour financer mes livres, dont les versions imprimées sont dispos en impression à la demande exclusivement chez le pire ennemi des gentils libraires de proximité, parce que je n’ai pas les moyens de les rendre disponibles en librairie. Mes livres ont tous leurs fiches sur Amazon, et j’en commande régulièrement de petits stocks à prix Auteur pour les vendre en festival. Comme vous le savez déjà, j’ai décidé de monétiser ce blog en devenant Partenaire Amazon, et je gagne une prime pour chaque achat des livres listés sur ce site.

Comme on est en pleine période de Noël, et que l’adaptation cinéma de Master of Kung-Fu a été annoncée par Marvel il y a un bon moment, il y a de moins en moins de Marvel Omnibus spécial Kung-Fu. Heureusement, j’ai pu vous trouver des Daredevil Omnibus encore dispos ! J’ai donc ajouté à la galerie les volumes 1 et 2 des Daredevil Omnibus by Brian Michael Bendis, l’un de mes scénaristes préférés. Les scénarios de Bendis ne sont pas toujours au top, notamment parce qu’il travaille trop, mais quand il se met sur une série complètement adaptée à son univers personnel aux côtés d’un excellent dessinateur, il devient exceptionnel !

Pour rappel, les versions Marvel Omnibus représentent le haut du panier pour les collectionneurs Marvel, le format est un peu plus grand que l’original, la qualité est toujours au rendez-vous, et elles font un excellent cadeau de Noël.

Je vous laisse donc avec cette nouvelle galerie pour les amateurs de comics anglophones. Comme d’habitude, cliquez sur chaque image pour accéder à la fiche Amazon du livre correspondant.

About Eric Peyron

Eric Peyron n'est un Expert en Rien. Après trois années de Fac dont deux redoublements, Peyron a commencé les petits boulots en intérim pour gagner un peu de blé. Heureusement, inconditionnel de comics en version originale (à cause de la censure et des traductions lamentables de la plupart des versions françaises de l'époque), Peyron est rapidement devenu traducteur d'anglais autodidacte pour des magazines informatiques des années 1990-2000, puis pour de nombreuses sociétés de traduction. Suite au refus par ces mêmes sociétés d'accepter une augmentation de ses tarifs en vingt ans, Peyron a fini par revenir à ses premiers boulots au SMIC, qui paradoxalement, vingt ans plus tard, rapportent plus que des traductions techniques… Actuellement, l'Expert en Tout fait donc de la mise en rayon, des inventaires et démonstrations en grande surface, monte et démonte des stands d'animation, donne des flyers aux passants dans la rue, distribue des prospectus dans vos boîtes aux lettres, et remplace des affiches dans les toilettes des bars et restaurants. De jour comme de nuit. Accessoirement, il est aussi auteur de BD en auto-édition, mais ça, vous le savez probablement déjà. Bref, Peyron est un type qui ne comprend absolument rien à rien, comme la plupart des imbéciles qui se baladent régulièrement sur les réseaux sociaux, mais ça va pas l'empêcher de donner son avis !

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