Angoulême 2021 : le Palmarès

Ah, avec tous ces trucs personnels et professionnels qui persistent à s’accumuler pour me casser les pieds, j’ai quand même oublié une date d’anniversaire (et les dates d’anniversaire, pour ce blog, c’est important, parce que ça me permet d’avoir un sujet d’article tout trouvé) : le Palmarès d’Angoulême pour 2021. Alors comme je suis avant tout un fan de BD (principalement de comics, avec une pincée de manga, mais bon, de BD aussi), on va se farcir dans cet article toutes les BD du palmarès…

Pour commencer, le prix René Goscinny a été attribué à la scénariste Loo Hui Phang pour l’ensemble de son œuvre, qui comprend un tas de BD qui ont l’air un peu trop intellectuelles pour que je puisse m’y intéresser. Du coup, je laisse tomber et je passe directement au prix meilleur album.

Le prix du meilleur album a été attribué à L’accident de chasse, dont voici le résumé : Chicago, 1959. Charlie Rizzo, qui vient de perdre sa mère, doit emménager avec son père aveugle. Pour le jeune garçon, l’histoire est limpide : Matt Rizzo a perdu la vue à la suite d’un accident de chasse, comme il le lui a toujours raconté. Mais le jour où un policier sonne à leur porte, Matt choisit de révéler à son fils la partie immergée de son passé, et la véritable raison de sa cécité : un vol à main armé qu’il a commis des années plus tôt, alors qu’il fréquentait la mafia de Chicago… À la limite, ça pourrait presque m’intéresser. Je suis un fan de 100 bullets, de Stray Bullets, et probablement d’un tas de titres avec Bullets dedans que je n’ai même pas encore lu. Possible que je lise cette BD, un de ces quatre.

Le prix spécial du jury a été attribué à Dragman, un héros qui devient capable de voler quand il porte des vêtements de femme. Alors, je comprends l’idée : puisque les cons aiment les super-héros, on va leur donner du super-héros, et on va en profiter pour faire un peu dans le social. Ça leur donnera l’occasion de s’éduquer un peu, et peut-être que ça les rendra moins con et qu’ils se mettront à lire des trucs un peu plus sérieux, corrects et conventionnels. OK, mais ça demande impérativement d’apprécier le genre, au lieu de juste s’en servir comme excuse pour plonger tête baissée dans le social et le drame psychologique… Je me réserve ce bouquin pour dans quelques années, quand j’aurais terminé mes autres BD de super-héros. Les vraies…

Le prix du public France Télévision (c’est quoi, ce prix ?!) est attribué à Anaïs Nin Sur la mer des mensonges. Alors je vous livre le résumé Amazon : Début des années 30. Anaïs Nin vit en banlieue parisienne et lutte contre l’angoisse de sa vie d’épouse de banquier. Plusieurs fois déracinée, elle a grandi entre 2 continents, 3 langues, et peine à trouver sa place dans une société qui relègue les femmes à des seconds rôles. Elle veut être écrivain, et s’est inventé, depuis l’enfance, une échappatoire : son journal. Il est sa drogue, son compagnon, son double, celui qui lui permet d’explorer la complexité de ses sentiments et de percevoir la sensualité qui couve en elle. C’est alors qu’elle rencontre Henry Miller, une révélation qui s’avère la 1ère étape vers de grands bouleversements. J’aime ces BD personnelles parce que je compatis : je lutte aussi contre l’angoisse de ma vie d’intérimaire et de petit éditeur de BD, et j’ai peine à trouver ma place dans un monde de la BD qui relègue les geeks à des seconds rôles et la BD populaire au placard. Je voudrais être auteur de BD (un vrai, édité chez les grands), et je me suis inventé une échappatoire : l’auto-édition et la rédaction de blogs. Ça me permet d’explorer la complexité de mes sentiments et de percevoir la sensualité qui couve en moi. La lecture des BD de Frank Miller a été pour moi une révélation qui s’est avérée la première étape vers de grands bouleversements. Tiens, ben je crois que vais me lire du Frank Miller, justement.

Et on continue avec le Prix de la série, attribué à Paul à la maison, qui en est à son 9 ème album. Sans plus attendre, le résumé : L’action se déroule en 2012, Paul est auteur de bande dessinée à temps plein et lance un nouvel ouvrage au Salon du livre de Montréal. Entretemps, sa fille part travailler en Angleterre, Lucie n’habite plus avec lui et sa mère ne va pas bien… Paul à la maison traite du deuil, sous de multiples formes. Bon, là, j’aimerais faire de l’humour, me moquer un peu, mais ça traite du deuil, et il y a de grandes chances que ce soit personnel, donc je m’abstiens, et je me prépare le deuxième Absolute Swamp Thing d’Alan Moore pour dans quelques jours.

Le Fauve Polar SF (le quoi ?!) a été attribué à Gost 111. Père modèle mais sans emploi, Goran Stankovic accepte un job véreux, se fait  arrêter et n’a d’autre choix que de collaborer en devenant « indic’ ». Coincé entre  truands et police, dans un monde de manipulations, Goran va devoir jouer un double  jeu périlleux pour s’en sortir. Bon allez, ça pourrait me plaire. Faudra que j’essaie de le lire, à l’occasion.

Le prix du patrimoine a été attribué à L’éclaireur, Récits gravés de Lyn Ward. En seulement six livres, Lynd Ward (1905-1985) s’est imposé comme l’un des précurseurs du roman graphique. Ses histoires – de l’artiste qui vend son âme, au couple pris dans les tourments de leur époque, en passant par l’homme maudit de ses péchés et l’ouvrier rebelle à la psychée tourmentée – ont su capturer un monde plein de contradictions dans des images d’une époustouflante modernité. Sur les pas de Frans Masereel et d’Otto Nückel, ces récits en gravures sur bois, ou romans sans paroles, dessinent les contours d’une œuvre riche et exaltée. Livre après livre, cette anthologie donne à voir comment Lynd Ward, innovateur acharné, s’est créé un moyen d’expression rarement égalé en termes de puissance narrative, de construction de personnages, d’imaginaire et de techniques, où le lecteur écrit l’histoire autant qu’il la lit. Ouh là, ça n’a pas l’air d’être un truc pour moi, ça ! Après, c’est le prix du patrimoine, donc, à la limite, c’est moins grave que le reste…

Prix Révélation, maintenant ! Alors la révélation, c’est Tanz : Allemagne, 1957. Uli est un jeune homme de 19 ans, élève d’une prestigieuse école de danse moderne. Sa fougue contraste avec la mélancolie de l’Europe d’après-guerre. Il est passionné de comédies musicales mais cette passion est moquée par ses camarades qui jugent cette discipline trop commerciale. Lors d’un voyage à Berlin, il rencontre Anthony, un jeune danseur afro-américain. Ce dernier suggère à Uli de venir tenter sa chance à Broadway… C’est certainement un bel effort, mais je sens que je vais me faire chier. Après Swamp Thing, je me retaperai bien Wolverine Enemy of the State de Mark Millar, tiens, je sais pas…

Et on continue le massacre avec le Prix de l’Audace ! Alors il est pour qui le Prix de l’Audace ? Il est pour La mécanique du Sage : Edimbourg, début du XXe siècle. Charles Hamilton a tout pour être heureux: un confort financier qui le met à l’abri du besoin, des nuits bien remplies et des journées oisives juste ce qu’il faut. Et pourtant, après la fête, c’est la descente. Victime de troubles de l’humeur, de hauts et de bas, Charles Hamilton se sent en alternance. Déçu par l’amour, Charles est néanmoins père d’une petite Sophia, mais ne voit pas là de quoi combler ce vide existentiel qui l’habite. Ce qu’il lui faudrait c’est un exemple – un maître, un sage, là, au fond de son jardin. En s’inspirant de l’histoire (réelle) de Charles Hamilton et de son « ermite ornemental », Gabrielle Piquet traque des maux bien modernes – recherche d’un bien-être perpétuel, positivisme à tout crin – et nous interroge sur cette dictature du bonheur qui voudrait éradiquer de nos vies toute forme d’aspérité, comme si la vie ne pouvait, ne devait être que réjouissance et béatitude. On retrouve dans La Mécanique du Sage toutes les qualités qui faisaient déjà le charme de La Nuit du Misothrope: un dessin aux influences retro tout en élégance, une écriture mélodieuse d’une grande finesse, avec un prime une touche d’ironie et un humour pince-sans-rire du plus bel effet. J-J’ai pas envie. Vraiment, j’ai pas envie de m’interroger sur cette dictature du bonheur qui voudrait éradiquer de nos vies toute forme d’aspérité, comme si la vie ne pouvait, ne devait être que réjouissance et béatitude. Je comprends même pas ce qu’on me demande, là… Je suis désolé, je sais bien que je devrais me poser plein de questions, mais j’ai pas envie.

Le prix de la bande dessinée alternative est décerné à KUTI, The Thick Book of KUTI. Croyez-le où non, la BD alternative, c’est pas trop mon truc, donc je ne vais pas me taper une grosse anthologie. Je vais plutôt me refaire quelques séries dessinées par Bill Sienckiewicz, Mike Allred, Kevin O’Neill, John J. Muth, Dave McKean, et plein d’autres. J’aime bien les BD risquées qui ne font pas dans l’amateurisme.

Le prix Jeunesse 8-12 ans est attribué à la BD Le club des amis. Rien à dire sur cette BD. C’est gentil au jury d’Angoulême, de nous rappeler que la BD, ce n’est pas juste réservé à un public d’intellectuels qui se la pètent dans les soirées mondaines. C’est aussi pour les enfants. C’est bon à savoir…

Le prix Jeunesse 12-16 ans est attribué au tome 1 de Middlewest. Ah là, le jury m’a bien eu, parce que j’adore les dessins de Scottie Young. Après, je cours pas trop après ses scénarios, surtout quand il ne les dessine pas. D’ailleurs, en voici le résumé. Vous allez voir qu’on reste bien dans la même ambiance que pour les autres livres primés : Depuis le départ de sa mère, Abel est élevé d’une main de fer par un père rongé par le chagrin. Un mot, un geste, un affrontement de trop, qui laissera dans le coeur d’Abel des séquelles profondes et, sur son torse, une marque indélébile. Accompagné de son ami le plus fidèle, un « Jiminy Cricket » aux allures de renard, le jeune garçon choisira de fuir pour mieux se reconstruire loin de la violence paternelle. Un périple à travers un pays fantastique marqué par des rencontres toujours plus extraordinaires, au cours duquel Abel devra se poser les bonnes questions s’il veut surmonter ses erreurs passées et se réconcilier avec son histoire de famille. Ça vous donne envie de le lire, vous ? Moi non plus.

Le prix des Lycéens a été attribué à Peau d’homme. Dans l’Italie de la Renaissance, Bianca, demoiselle de bonne famille, est en âge de se marier. Ses parents lui trouvent un fiancé à leur goût : Giovanni, un riche marchand, jeune et plaisant. Le mariage semble devoir se dérouler sous les meilleurs auspices même si Bianca ne peut cacher sa déception de devoir épouser un homme dont elle ignore tout. Mais c’était sans connaître le secret détenu et légué par les femmes de sa famille depuis des générations : une « peau d’homme » ! En la revêtant, Bianca devient Lorenzo et bénéficie de tous les attributs d’un jeune homme à la beauté stupéfiante. Elle peut désormais visiter incognito le monde des hommes et apprendre à connaître son fiancé dans son milieu naturel. Mais dans sa peau d’homme, Bianca s’affranchit des limites imposées aux femmes et découvre l’amour et la sexualité. Bon, c’est pas pour moi.

On a aussi le prix Konishi, attribué à Tokyo Tarareba Girls, qui récompense la meilleure traduction du Japonais vers le français. Dans quel but ? Je sais pas. Sans plus attendre le résumé du premier tome : Rinko, scénariste de séries télévisées, est une trentenaire célibataire a la carrière professionnelle épanouie. son petit plaisir consiste a passer des soirées alcoolisées avec ses deux copines Kaori et Koyuki, elles aussi trentenaires et célibataires. un soir, alors qu’elles sont encore en train de se souler et de se rassurer bruyamment a coup de « y a qu’a, faut qu’on » dans leur bar favori, elles sont interrompues par un jeune homme aux allures de mannequin. agace de les entendre brailler, il les ridiculise méchamment en les traitant de vieilles filles avant de quitter les lieux. alors qu’elle pensait avoir encore tout son temps, Rinko réalise qu’il va falloir qu’elle se réveille si elle ne veut pas finir sa vie toute seule… La seule différence entre l’ambiance d’une BD japonaise chiante et celle une BD française chiante, c’est que les persos japonais se saoulent autant la gueule que nos grands-mères au foyer pendant leurs parties de bridge, quand leurs maris étaient au boulot. Heureusement, on peut compter sur la mise en cases dynamique et cinématique à la japonaise, que presque aucun artiste français n’a été foutu d’imiter (jusqu’à présent, je crois que je n’en connais que deux). Mais ça ne suffit pas pour rehausser l’intérêt du résumé. Pas motivé pour lire cette série, donc.

Et voilà, c’est tout pour cette année ! Comme pour le prix Goncourt qui vous indique les livres qu’il faut lire et le festival de Cannes qui vous indique les films qu’il faut voir, le festival d’Angoulême vous indique les BD qu’il faut lire pour être un homme de goût. Ah pardon. Un.des homme.s.une.des femme.s de goût. Foutue écriture inclusive…

À la limite, puisque c’est ça qui plait aux cons, je suis dispo pour écrire un album de BD en vue d’un prix pour le festival d’Angoulême. Après tout je n’ai qu’à le monter comme un scénario de film français : C’est l’histoire d’un gars divorcé qui a plein de problèmes avec son père, et qui ne comprend pas son fils adolescent. Et puis il rencontre une autre femme et il ne sais pas trop ce qu’il veut, et elle non plus ne sait pas trop ce qu’elle veut. À la fin, le héros se rend compte qu’être père, ce n’est pas facile, et tous les spectateurs se réveillent. Si un dessinateur est dispo, il peut m’écrire à l’adresse mentionnée sur ce blog. Attention, un dessinateur déjà édité, hein ? Comme ça, j’aurai mes entrées chez son éditeur. Je dis ça parce qu’à l’époque où je contactais des dessinateurs pour des projets de BD, ils m’envoyaient presque tous me faire foutre parce qu’ils recherchaient un scénariste déjà édité. Hé ben moi aussi alors, tiens (c’est vrai, merde) !

Bon ben maintenant, comme le disait si bien George Orwell dans 1984, si vous voulez sauver votre libraire, vous savez quoi acheter. En dépensant votre argent durement gagné (selon les cas…) dans ces trucs hautement philosophiques, très personnels et quand même un peu chiants, dites-vous que vous sauverez également des auteurs, car il faut savoir que la moitié des auteurs de BD français sont en situation de précarité.

Parce qu’on n’achète pas assez leurs albums… 

A propos Eric Peyron

Eric Peyron n'est un Expert en Rien. Après trois années de Fac dont deux redoublements, Peyron a commencé les petits boulots en intérim pour gagner un peu de blé. Heureusement, inconditionnel de comics en version originale (à cause de la censure et des traductions lamentables de la plupart des versions françaises de l'époque), Peyron est rapidement devenu traducteur d'anglais autodidacte pour des magazines informatiques des années 1990-2000, puis pour de nombreuses sociétés de traduction. Suite au refus par ces mêmes sociétés d'accepter une augmentation de ses tarifs en vingt ans, Peyron a fini par revenir à ses premiers boulots au SMIC, qui paradoxalement, vingt ans plus tard, rapportent plus que des traductions techniques… Actuellement, l'Expert en Tout fait donc de la mise en rayon, des inventaires et démonstrations en grande surface, monte et démonte des stands d'animation, donne des flyers aux passants dans la rue, distribue des prospectus dans vos boîtes aux lettres, et remplace des affiches dans les toilettes des bars et restaurants. De jour comme de nuit. Accessoirement, il est aussi auteur de BD en auto-édition, mais ça, vous le savez probablement déjà. Bref, Peyron est un type qui ne comprend absolument rien à rien, comme la plupart des imbéciles qui se baladent régulièrement sur les réseaux sociaux, mais ça va pas l'empêcher de donner son avis !

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