IA : La menace fantôme

Allez, il fallait bien que je fasse un article sur l’IA puisque c’est devenu le sujet de tous les artistes scandalisés à l’idée qu’on puisse leur voler leurs œuvres en les copiant. Et c’est vrai que quand vous postez un dessin sur Internet, vous courrez le risque qu’il soit copié, qu’un gars en fasse son fond d’écran gratuitement parce qu’il aime bien ce que vous faites, ou pire, qu’il le fasse imprimer, se fabrique un tableau et l’accroche dans son salon parce qu’il adore ce que vous faites. L’alternative est bien entendu de ne rien poster du tout, mais si quelqu’un aime ce que vous faites, il risque quand même de scanner vos dessins et les poster lui-même sur Internet pour montrer à tous ses potes les œuvres de son artiste préféré.

Tout cela sans vous donner un centime, et en toute impunité.

Comme quoi, il y a des artistes de génie qui ne gagnent vraiment pas à être connus…

Avec l’IA, les problèmes de droit sont un peu différents. Vous connaissez l’histoire du personnage ressemblant à Superman avec une autre lettre à la place du S sur son logo ? Très compliqué de faire valoir ses droits sur une marque déposée quand un copieur y ajoute une anomalie. Et la génération d’images par une IA, c’est tout un amalgame d’anomalies formant des images complètement originales. Un peu comme un mix musical poussé à l’extrême. Donc, les droits d’auteurs, dans un tel cas, on s’en fout un peu.

Mais ce n’est pas le problème.

Imaginez l’histoire classique de l’ouvrier qui perd son boulot parce qu’il est remplacé par une machine, puis suit une formation et devient finalement le type qui contrôle les manettes ou celui qui s’occupe de la maintenance et de la réparation des machines. Hé ben là, c’est pareil, sauf qu’il n’y aura aucune création de nouvel emploi. Vous ne deviendrez pas le type qui contrôle les manettes. Vous n’allez ni vous occuper de la maintenance, ni des réparations. Vous allez juste perdre votre boulot parce qu’il n’existera plus. Et ne comptez même pas vous recycler comme programmeur, les IA ont investi aussi le développement logiciel (et c’est pas trop tôt…) Pour le moment, de nombreuses portions de code sont écrites par des IA, et on peut facilement envisager dans un futur proche des logiciels entiers programmés par des IA.

Certaines grosses entreprises comme la Toeï utilisent déjà des IA à la place de leurs animateurs, la révolution est en marche, et comme la Révolution industrielle, rien n’arrêtera le progrès (et sur le principe, il n’y a jamais eu aucune raison d’être rétrograde de toute façon). Mais cette fois, comme je l’ai écrit plus haut, le résultat ne sera pas la création d’emplois.

Le processus de transition est déjà rodé : quand une grande entreprise va intégrer l’IA à ses flux de production, ses artistes vont tout d’abord devenir des correcteurs. On va donc ressortir l’argument classique qu’on assène à tous les correcteurs : comme vous ne faites que corriger, ce sera payé moins cher. Et puis, l’IA va se perfectionner de plus en plus, et on aura besoin de moins en moins de correcteurs, jusqu’à ce qu’on n’ait plus besoin de personne. Gain de temps, gain d’argent. Tout bénef pour l’entreprise.

Et les artistes dans tout ça ? Ben s’ils sont intelligents, ils vont se barrer largement à l’avance et essayer de se placer dans d’autres créneaux lucratifs. Il en restera de moins en moins, donc faire complètement autre chose que du dessin deviendra une alternative très réaliste. S’ils travaillent dans une entreprise saine (avec un salaire et un CDI de préférence), on va tout simplement attendre qu’ils partent à la retraite, et on ne les remplacera pas. S’ils travaillent dans une entreprise, disons classique, ils se feront juste virer pour une raison ou une autre. Et s’ils sont indépendants, ils auront de moins en moins de boulot, et de moins en moins de revenus.

Alors on en est où pour le moment ? Pas encore à l’ère des Métaverses personnalisés que n’importe qui pourra générer en quelques secondes. On n’en est même pas à la récupération politique, mais on commence à l’envisager. Qui devraient récupérer des artistes avec des œillères qui râlent uniquement parce qu’on leur a volé leurs droits d’auteur en les copiant ? L’extrême droite ? L’extrême gauche ? Il est pour qui ce sujet ? On dirait qu’il tend vers la gauche, mais il y a ce problème financier du type qui en demande quand même un petit peu trop, qui pourrait faire tendre le sujet vers la droite aussi. Donc pour le moment, je suppose que tout le monde a contacté des cabinets de conseil et attend une réponse…

Et où en sont les artistes ? Ben eux, pour le moment, ça va. Ils râlent comme des libraires, mais la plupart utilisent les IA pour aller plus vite, donc ils vont plutôt bien. On a une espèce de tentative de polarisation qui voudrait monter les dessinateurs contre les scénaristes, mais ça ne va pas durer, puisque les scénaristes seront aussi remplacés par des IA. Pour vous donner un exemple : vous avez regardé un film de super héros dernièrement ? Action, émotion, scénario formaté et structuré. Des héros qui suivent un peu le mouvement sans trop savoir ce qu’ils font là… Un personnage qui se sacrifie pour sauver son équipe… Des personnages qui ont des doutes, puis reviennent se battre en fanfare, et en profitent pour prendre la pose… Ça vous a plu ? Oui, au moins un peu, parce que ça marche. Vous croyez qu’une IA ne pourrait pas faire mieux que le scénariste ? Détrompez-vous.

Et les scénaristes et dessinateurs ne seront pas les seuls touchés. Les animateurs, les musiciens et les artistes 3D vont vite leur emboîter le pas. Les analystes n’auront plus de boulot. Les traducteurs et les programmeurs vont devenir des correcteurs. Quand les IA permettront enfin la création de métaverses personnalisés, tout le monde pourra créer sa bande dessinée, son dessin animé ou son jeu vidéo sans faire appel à aucun prestataire de service.

Et les artistes sans travail ne pourront se recycler dans rien, donc ceux qui comme moi, auront réellement besoin de créer pour s’exprimer finiront en auto-édition et dans la merde, à moins qu’une IA leur permette de faire leur promotion pour pas trop cher à grands coups de milliers de posts par seconde. Et c’est possible aussi.

Mais tout n’est pas si négatif : qui va se régaler finalement ? Ben, l’utilisateur final. Et on est tous utilisateur final. Perso, j’écris pour m’exprimer, donc j’ai tout naturellement fini en auto-édition et je suis déjà dans la merde. Pour moi, rien ne va changer. En tant qu’utilisateur final par contre, je vais bien me régaler. Pour le moment, je suis de moins en moins sur Facebook (que les IA ont fini par vider de toute émotion en seulement un an) et de plus en plus sur les générateurs d’images parce que c’est vraiment fascinant. Je me nourris d’articles sur les IA, et je suis en plein délire !

Allez, je vous laisse avec une galerie de bouquins 100% artisanaux, même si on utilise quand même pas mal d’informatique pour les couleurs, le lettrage, les maquettes, et heu… 

Allez, je vous laisse avec une galerie de bouquins artisanaux à 50%.

A propos Eric Peyron

Eric Peyron n'est un Expert en Rien. Après trois années de Fac dont deux redoublements, Peyron a commencé les petits boulots en intérim pour gagner un peu de blé. Heureusement, inconditionnel de comics en version originale (à cause de la censure et des traductions lamentables de la plupart des versions françaises de l'époque), Peyron est rapidement devenu traducteur d'anglais autodidacte pour des magazines informatiques des années 1990-2000, puis pour de nombreuses sociétés de traduction. Suite au refus par ces mêmes sociétés d'accepter une augmentation de ses tarifs en vingt ans, Peyron a fini par revenir à ses premiers boulots au SMIC, qui paradoxalement, vingt ans plus tard, rapportent plus que des traductions techniques… Actuellement, l'Expert en Tout fait donc de la mise en rayon, des inventaires et démonstrations en grande surface, monte et démonte des stands d'animation, donne des flyers aux passants dans la rue, distribue des prospectus dans vos boîtes aux lettres, et remplace des affiches dans les toilettes des bars et restaurants. De jour comme de nuit. Accessoirement, il est aussi auteur de BD en auto-édition, mais ça, vous le savez probablement déjà. Bref, Peyron est un type qui ne comprend absolument rien à rien, comme la plupart des imbéciles qui se baladent régulièrement sur les réseaux sociaux, mais ça va pas l'empêcher de donner son avis !

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