La copie illicite expliquée aux enfants

Inutile de chercher mon stand à Angoulême, je n’y suis pas. Beaucoup trop loin de chez moi, donc trop de frais de transport, l’hôtel, la bouffe, et le stand à payer… Même avec mes ventes qui augmentent en festival, je ne serais probablement pas rentré dans mes frais. Tous les festivals auxquels je participe sont listés dans le calendrier des festivals sur le Rage Website. Ce calendrier est mis à jour régulièrement, donc n’hésitez pas à le consulter.

Pour changer de sujet, j’ai reçu le message suivant d’ArtStation le 21 janvier, qui se termine par : We have also committed not to use, or license any third party to use, any ArtStation content for the purpose of training Generative AI Programs. Ça signifie qu’ArtStation s’engage à ne pas utiliser, ni autoriser un tiers à utiliser son contenu, pour l’apprentissage d’une AI. Vous pouvez donc enfin rouvrir un compte chez ArtStation, les conditions générales étant maintenant claires. Les images ne sont toujours pas aussi protégées que les données personnelles, mais on a quand même fait un grand pas en avant. Et notez que j’avais signalé ce problème potentiel depuis des mois…

En attendant la suite des événements, je me suis mis en tête d’écrire un nouvel article sur le sujet, et puisque je suis lancé sur les analogies (qui permettent de mieux comprendre les trucs super-compliqués en les simplifiant tellement que ça ressemble plus à rien), je me suis mis aussi à partir en délire sur la copie illicite.

Alors la copie illicite, c’est ce qu’on appelle en language d’Artiste le Vol.

Et justement, avec la polémique autour des AI et des droits d’auteur, la copie illicite est redevenue un sujet brûlant, au point que les artistes se sont remis à prendre un peu tout le monde pour des cons. J’ai eu une discussion avec l’un d’entre eux par commentaire interposé sur Facebook, qui a essayé de me faire croire que si j’appréciais l’image MidJourney que j’avais partagée sur mon mur, je devais payer l’artiste dont le style avait été imité. Les images en question représentaient des personnages de la Justice League dans le style d’Alex Ross (je précise quand même que l’artiste avec qui j’ai eu cette discussion n’était pas Alex Ross). Indépendamment du partage d’images sur Facebook et de la polémique autour de sociétés comme MidJourney, quand DC commande à un artiste une peinture de ses personnages, l’artiste est payé par DC et ne bénéficie d’aucun droit d’auteur sur l’image en question. Donc si cette image est copiée un million de fois par la suite, je ne vois pas trop ce qu’il pourrait en avoir à foutre l’artiste, parce qu’en ce qui le concerne, cette image a déjà été payée. À plus forte raison si cette image est simplement utilisée comme ingrédient pour une composition MidJourney. Là, on est dans une situation où ce serait plutôt à DC de se plaindre, et de se plaindre de Midjourney, et non pas des utilisateurs Facebook qui partagent des images. Au lieu de ça, on voit les auteurs qui généralement se plaignent justement de DC et Marvel (notamment parce qu’ils reçoivent une misère quand les persos qu’ils ont créés sont adaptés au cinéma) monter au créneau pour les défendre, et en profiter pour demander du pognon… aux gens comme moi en plus… des fois que ça marche…

Alors justement, après cette petite digression, abordons la différence entre le vol et la copie illicite en prenant une analogie pour mieux comprendre. Tiens, ben puisque les problèmes des boulangers sont à la mode en ce moment, on va les prendre comme exemple :

Vous êtes boulanger et vous vendez du pain à un euro sur un étalage. Un gars vous vole l’un de vos pains, et il vous arrive donc un truc hyper-important pour la suite : ce pain, vous ne l’avez plus. Parce qu’on vous l’a volé. Donc vous avez une perte d’un euro en chiffre d’affaire.

Maintenant, supposons qu’un gars un peu louche avec une barbe et des cheveux longs vienne vous acheter un pain à un euro. Votre pain a été vendu. Vous avez été payé.

Et là, le gars se réunit avec ses potes, pose le pain sur une table, et hop, il le copie, et il crée un deuxième pain, et puis un troisième, et un quatrième, et tout à coup, il y a plein de pains sur la table.

Dans ce cas là, vous n’avez pas été volé. Votre perte est de zéro euro. En revanche, il vous arrive un truc hyper-important pour un commerçant : vous avez un manque à gagner.

Parce que tous ces gens qui vont manger les pains du type louche sont autant de clients qui ne vous achèteront pas un pain (puisqu’ils en ont déjà eu un gratuit). La conséquence, c’est que vous aurez peut-être moins de clients et moins d’argent. Comme avec un concurrent, mais en pire. Le manque à gagner est difficile à évaluer parce que les clients qui consomment le pain gratuit n’en auraient pas forcément acheté un, et s’ils l’avaient acheté, ils ne l’auraient pas forcément acheté chez vous (en supposant qu’ils aient assez d’argent pour en acheter un au départ). Le manque à gagner est difficile à évaluer, à plus forte raison parce qu’il ne provient pas de la seule copie de vos produits, qui en réalité vient s’ajouter à de nombreuses autres causes possibles. Mais le fait est que le manque à gagner existe, et que la copie d’un produit en est effectivement une cause possible. Et un parfait bouc émissaire.

Le problème est différent si le copieur se met à vendre les pains, et donc à faire des bénéfices sur votre dos. Là, on comprend tout de suite qu’on porte atteinte à votre commerce. En revanche, si le copieur laisse juste les pains à disposition, tout ce qu’on peut lui reprocher, c’est de les avoir copiés (il n’a pas le droit de créer des copies), et tout ce qu’on peut reprocher à l’utilisateur final, c’est de les consommer (il n’a pas le droit de consommer des copies). Est-ce que l’utilisateur final aurait réellement acheté le pain chez vous ? Aurait-il seulement acheté du pain ? En aurait-il eu envie ? En aurait-il eu seulement les moyens ? Impossible de le savoir.

Donc elle est de combien, la perte ? Ne vous laissez pas avoir par une question à la con. N’essayez pas d’évaluer une perte dans ce cas précis, il n’y en a aucune. Vous allez peut-être moins vendre. Peut-être vendre autant, si le consommateur découvre le pain pour la première fois, l’apprécie et revient chercher du pain gratuit chez le gars. Peut-être vendre plus, si le consommateur découvre le pain pour la première fois, l’apprécie et vient vous acheter un autre pain ou découvrir votre nouvelle recette de pain.

En tout cas, vous allez râler, parce que la copie illicite est un excellent bouc émissaire quand vous voulez expliquer à tout le monde que vous perdez de l’argent. Pas aussi efficace que le fameux On m’a cambriolé et il faut que l’assurance me rembourse juste avant que je ferme dans quelques mois et c’est sûrement les arabes, mais pas loin quand même.

Allez, je vous laisse avec une galerie de bouquins 100% artisanaux, même si on utilise quand même pas mal d’informatique pour les couleurs, le lettrage, les maquettes, et heu… 

Allez, je vous laisse avec une galerie de bouquins artisanaux à 50%.

A propos Eric Peyron

Eric Peyron n'est un Expert en Rien. Après trois années de Fac dont deux redoublements, Peyron a commencé les petits boulots en intérim pour gagner un peu de blé. Heureusement, inconditionnel de comics en version originale (à cause de la censure et des traductions lamentables de la plupart des versions françaises de l'époque), Peyron est rapidement devenu traducteur d'anglais autodidacte pour des magazines informatiques des années 1990-2000, puis pour de nombreuses sociétés de traduction. Suite au refus par ces mêmes sociétés d'accepter une augmentation de ses tarifs en vingt ans, Peyron a fini par revenir à ses premiers boulots au SMIC, qui paradoxalement, vingt ans plus tard, rapportent plus que des traductions techniques… Actuellement, l'Expert en Tout fait donc de la mise en rayon, des inventaires et démonstrations en grande surface, monte et démonte des stands d'animation, donne des flyers aux passants dans la rue, distribue des prospectus dans vos boîtes aux lettres, et remplace des affiches dans les toilettes des bars et restaurants. De jour comme de nuit. Accessoirement, il est aussi auteur de BD en auto-édition, mais ça, vous le savez probablement déjà. Bref, Peyron est un type qui ne comprend absolument rien à rien, comme la plupart des imbéciles qui se baladent régulièrement sur les réseaux sociaux, mais ça va pas l'empêcher de donner son avis !

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