Les droits d’exploitation expliqués aux enfants

Alors j’ai récemment lu un article de François Baranger sur Numérama au sujet des AI, et à la fin de cet article, il y avait la mention suivante :

Vous êtes un ou une artiste et vous voyez Midjourney d’un autre œil ? Vous souhaitez témoigner sur votre rapport aux nouvelles technologies, si votre métier ou votre passion est bouleversée par le développement du numérique, d’une manière positive ou négative, écrivez-nous

Du coup, le 31 janvier, j’ai envoyé l’email suivant à Numerama :

Je m’appelle Eric Peyron, je suis scénariste de BD en auto-édition, et je viens de voir à la fin de l’article de François Baranger que je peux vous écrire un article aussi. Je suis conscient que ce sera gratuit pour moi aussi, mais je lis tellement de bêtises sur les AI, d’un côté comme de l’autre, que ça m’a donné quand même envie de m’exprimer sur votre site. Si c’est OK pour vous, je peux vous envoyer ce que j’ai écrit.

Je m’attendais à une réponse du genre On a dit « Artiste », pas « Scénariste en auto-édition », Un artiste, c’est quelqu’un de connu, pas un type comme vous, On a vu votre mur Facebook, et on essaie d’arranger les choses, pas de les empirer, voire On la connaît, l’opinion des scénaristes en auto-édition, pas besoin d’en rajouter. Bref, je m’attendais un peu au pire.

Tout va bien, je n’ai eu aucune réponse.

C’est normal, parfois les emails se perdent, mais c’est pas grave, parce que j’ai un blog, donc, je publierai probablement moi-même cet article lundi prochain.

En attendant, j’ai un tas de petits paragraphes que je n’ai pas utilisé tels quels pour la rédaction de l’article en question, ou que j’ai tout simplement rédigé autrement, et que je prévoyais de toute façon de développer et publier ici, alors autant commencer maintenant.

Allez, on va commencer par la notion la plus importante de l’article de lundi prochain, celle qui concerne littéralement tous les utilisateurs de sites de réseau social et d’hébergement d’images : les droits d’exploitation.

Quand vous ouvrez un compte sur un site de réseau social ou d’hébergement d’images, même si vous conservez vos droits d’auteur ou votre droit à l’image, vous cédez une partie de vos droits d’exploitation.

Autant prendre un exemple pour simplifier. C’est toujours mieux avec un exemple.

Si vous achetez un livre, le contenu de ce livre appartient indéniablement à l’entité qui en détient les droits d’auteur, mais le livre vous appartient à vous. Vous pouvez décider de le vendre, le prêter, le donner, le découper, lui enlever des pages ou le détruire par exemple. La seule chose que vous ne pouvez pas faire, c’est le copier de quelque façon que ce soit, et pour quelque raison que ce soit. Vous ne pouvez pas le copier parce que vous n’en détenez pas les droits d’auteur.

Pour le cas qui nous intéresse, gardez à l’esprit que vous pouvez aussi choisir tout simplement de ne rien faire si vous le perdez ou si vous vous le faites voler. Vous pouvez même placer vos livres dans un local, leur coller une étiquette Ne pas voler et laisser les portes grandes ouvertes. Ça paraît con comme ça, mais c’est un peu ce que vous expliquent les nouvelles conditions générales de DeviantArt et ArtStation au sujet des AI.

En revanche si vous empruntez un livre dans une bibliothèque, même si son contenu appartient toujours à l’entité qui en détient les droits d’auteur, le livre ne vous appartient pas. Il appartient à la bibliothèque. Donc, si vous le perdez, ou que vous vous le faites voler, ça aura une conséquence : il faudra rembourser la bibliothèque.

Il s’agit d’un exemple très simpliste pour illustrer les droits d’exploitation, parce qu’il concerne le vol ou la perte d’un objet physique, et non pas la copie illicite d’un fichier numérique (que tout le monde a tendance à identifier à du vol parce que le mot Vol est simple et déclenche une réponse émotionnelle directe, un peu comme à la maternelle).

Il n’en reste pas moins que ce sont ces droits que nous devons tous récupérer au moins en partie (afin de devenir la bibliothèque, en quelque sorte), parce que, quelle que soit sa politique concernant les AI, c’est le site de réseau social ou d’hébergement d’images qui les détient.

Dans le cas d’un data-mining, ça veut dire que le site de réseau social ou d’hébergement d’images peut au mieux décider de ne strictement rien faire et ne pas vous informer de la situation, parce que même si les images vous appartiennent, les fichiers sont à eux.

Quand inévitablement, les concurrents à ces sites vont apparaître, avec leurs systèmes hyper-sécurisés anti-data-mining, anti-AI, il faudra quand même bien examiner la partie des conditions générales concernant les droits d’exploitation pour déterminer qui est responsable en cas de data-mining, sinon, vous aurez exactement le même problème.

Vous vous demandez pourquoi je vous parle de tout ça ? Pourquoi je n’aborde pas plutôt les problèmes relatifs aux auteurs, à Midjourney, ou à l’esthétique d’une image générée par AI qui parait si importante ?

Hé ben j’ai pas le temps de vous expliquer, c’est l’heure de l’apéro, faut que j’y aille.

On se retrouve dans quelques jours avec un article sur… je sais pas. J’ai écrit des trucs marrants sur la différence entre le vol et la copie, sur les recours éventuels des artistes lésés, sur les autres métiers touchés par l’avènement de l’informatique dans les grandes sociétés de divertissement, ce dont tous les artistes se foutaient parce qu’ils n’étaient pas concernés. Tout un tas de trucs. On verra bien.

Allez, je vous laisse avec une galerie de bouquins 100% artisanaux, même si on utilise quand même pas mal d’informatique pour les couleurs, le lettrage, les maquettes, et heu… 

Allez, je vous laisse avec une galerie de bouquins artisanaux à 50%.

A propos Eric Peyron

Eric Peyron n'est un Expert en Rien. Après trois années de Fac dont deux redoublements, Peyron a commencé les petits boulots en intérim pour gagner un peu de blé. Heureusement, inconditionnel de comics en version originale (à cause de la censure et des traductions lamentables de la plupart des versions françaises de l'époque), Peyron est rapidement devenu traducteur d'anglais autodidacte pour des magazines informatiques des années 1990-2000, puis pour de nombreuses sociétés de traduction. Suite au refus par ces mêmes sociétés d'accepter une augmentation de ses tarifs en vingt ans, Peyron a fini par revenir à ses premiers boulots au SMIC, qui paradoxalement, vingt ans plus tard, rapportent plus que des traductions techniques… Actuellement, l'Expert en Tout fait donc de la mise en rayon, des inventaires et démonstrations en grande surface, monte et démonte des stands d'animation, donne des flyers aux passants dans la rue, distribue des prospectus dans vos boîtes aux lettres, et remplace des affiches dans les toilettes des bars et restaurants. De jour comme de nuit. Accessoirement, il est aussi auteur de BD en auto-édition, mais ça, vous le savez probablement déjà. Bref, Peyron est un type qui ne comprend absolument rien à rien, comme la plupart des imbéciles qui se baladent régulièrement sur les réseaux sociaux, mais ça va pas l'empêcher de donner son avis !

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