The Marvels

Alors avant la première du film The Marvels au ciné, j’ai passé une bonne quinzaine de jours à me connecter tous les jours au Pathé (le ciné de mon coin avec une super salle iMAX dont les places coutent le prix d’un restau quand vous ajoutez le vin. Bonjour la motivation pour voir un film au ciné…) Le premier signe que quelque chose n’allait pas, c’est qu’on ne pouvait pas réserver à l’avance. Bon, il y avait d’autres signes avant-coureurs aussi : pratiquement pas un journaliste n’avait parlé de The Marvels sauf les blogs de geeks habituels, ce qui peut arriver quand on n’envoie aucun dossier de presse.

Aucun ciblage des groupes activistes habituels non plus. Avec trois héroïnes et une réalisatrice, on aurait pu au moins titiller les féministes, mais non. L’une des actrices est censée représenter la population pakistanaise (et je l’ai d’ailleurs trouvée fabuleuse dans la série Ms. Marvel) mais pour ce film tout le monde s’en fout officiellement. On dirait que Marvel a décidé de se passer de son public le plus important, le public artificiel : ceux qui vont au ciné pour s’identifier aux personnages parce qu’ils n’ont pas assez de recul pour apprécier un film avec des personnages qui ne leur ressemblent pas, ces spectateurs dont la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie (et qu’on retrouve presque systématiquement à des postes de responsabilité), ces spectateurs des films et séries tirés d’une histoire vraie… tous ces gens qui faisaient chier les geeks à mon époque quand ils étaient marginalisés, et qui étaient allés en masse au cinéma pour voir Black Panther et Captain Marvel parce qu’il s’agissait de films représentatifs d’une évolution des mœurs et qu’ils fallait absolument y aller (des films bénéficiant d’une promo réussie, donc).

Du coup, sans aucun ciblage de groupes de pression, sans aucune promotion, sans aucun dossier de presse, et avec l’excuse de la grève des acteurs (qui les empêche de se faire interviewer ou de promouvoir une avant-première), le film est pratiquement passé sous le radar.

Les seuls qui s’y intéressaient étaient les types comme moi. Les geeks. Pas les geeks modernes qui ont tendance à suivre le mouvement de mode ou à capitaliser dessus. Les geeks qui appréciaient les comics quand ils n’étaient pas populaires, et qui ont continué de les apprécier quand ils sont devenus populaires (ce qui n’est apparemment pas évident pour certains, qui ont tendance à abandonner leur soi-disant passion quand tout le monde se met à la partager).

On a eu d’autres signes indiquant qu’on ne voulait définitivement pas nous vendre le film : il y a eu des reshoots parce qu’à la première vision, les producteurs n’ont rien compris au film, soit-disant trop lié à la continuité du MCU. Et quand on dit Il y a eu des reshoots, le grand public comprend surtout que le film est handicapé et marche avec des prothèses. C’est une raison de plus pour ne pas y aller, donc en général, la production a tendance à ne pas en parler.

Finalement, j’ai pu commander ma place mardi soir pour aller à la première le lendemain matin. On était moins d’une dizaine dans la salle iMAX. Cinq ou six, peut-être, je ne suis pas sûr (En même temps, c’était plutôt agréable). Presque personne alors qu’aucun spectateur n’était en mesure de prétendre que le film était nul. Pour ceux qui ne comprennent pas le concept, c’est pareil que la promotion de livres. Le succès ou l’échec d’un livre ne commence pas quand les gens le lisent. Il commence quand les gens sont incités à ouvrir le livre. Le rôle d’une promotion basique, c’est d’inciter les gens à ouvrir le livre. Et le rôle d’une promotion à un million, c’est de faire croire à tout le monde que ce serait super-cool de posséder ce livre en d’en parler autour de soi, même si la qualité du livre n’est pas terrible. Notez qu’on peut faire quelques économies sur ce genre de promotion en choisissant comme sujet du livre votre équipe de foot ou de rugby préférée.

Et là, en regardant le film, je crois que j’ai pu capter au moins une scène qui va compenser pour les pertes du film, et qui a certainement fait partie des reshoots : Captain Marvel débarque sur une planète dont les habitants ne parlent qu’en chantant, on découvre qu’elle a été mariée à son prince (qui débarque aussi en chantant), et elle se pare d’une robe de Disney Princess pour danser et chanter avec lui. Bon, personne n’a encore mentionné une nouvelle attraction Disney qui va faire le tour de tous les parcs, donc je n’ai aucun moyen d’être sûr qu’on nous a vendu la prochaine attraction Captain Marvel, carrément calquée sur une scène du film The Marvels. Mais quand même, cette scène qui tombe comme un cheveu sur la soupe et qui ressemble surtout au cauchemar de tous les geeks quand ils ont appris que Disney achetait Marvel, a l’air de ne pas être là par hasard.

Sinon, dans l’ensemble le film passait plutôt bien, les scènes d’action étaient honnêtes et lisibles (même avec les persos qui n’arrêtent pas de permuter entre elles, ce qui est quand même bon signe), et l’histoire n’était pas si incompréhensible. On a même eu droit à deux fins qui n’étaient pas inutiles : la première annonce une nouvelle série Young Avengers, et la seconde est liée au film Deadpool. Evidemment, quand un film passe plutôt bien, ça veut dire qu’il est quand même passable, pas à la hauteur d’un Marvel des frères Russo. Mais on aurait pu le pré-vendre, alors que s’est-il passé ?

Vous avez tous entendu parler du terme Marvel Fatigue ou Super-Hero Fatigue ? C’est un concept complètement bidon parce qu’il concerne uniquement le public artificiel que je mentionnais plus haut et les geeks qui se laissent avoir par les mouvements de mode (la plupart des geeks modernes donc), mais qui a la cote en ce moment. Le public artificiel, on peut le faire revenir quand on veut, il suffit de mettre du pognon dans la promotion.

Non là, je crois qu’on peut parler de Producer Fatigue. La Producer Fatigue, ça arrive quand les producteurs, pour une raison ou une autre ont envie de littéralement couler leur propre film. Ça peut résulter de disputes en interne, mais dans le cas de Marvel, couler un film revient à essayer de couler tout le MCU, donc à baisser sa valeur globale. Au vu des sorties à venir en 2024, le seul film qui aura une chance de rattraper la chute du MCU est le prochain Captain America. Deadpool et Blade n’auront pas un succès déterminant et les Thunderbolts n’auront pas le succès des Gardiens de la Galaxie. Et pourtant tout est rattrapable en laissant les réalisateurs de Deadpool et Blade faire exactement ce qu’ils veulent, et en misant tout sur Thunderbolts avec un réalisateur du même niveau que les frères Russo.

C’est juste que ça ne va pas arriver, parce que Disney a eu subitement envie de couler Marvel.

Bon, le point positif, c’est qu’Apple aura l’option d’acheter Disney moins cher, mais c’est pas forcément le but…

Allez, on se quitte avec une galerie de plein de livres en anglais. J’y ai ajouté MCU, The Reign of Marvel Studios, un livre super bien écrit (on croirait vivre un film), et bourré d’infos !

A propos Eric Peyron

Eric Peyron n'est un Expert en Rien. Après trois années de Fac dont deux redoublements, Peyron a commencé les petits boulots en intérim pour gagner un peu de blé. Heureusement, inconditionnel de comics en version originale (à cause de la censure et des traductions lamentables de la plupart des versions françaises de l'époque), Peyron est rapidement devenu traducteur d'anglais autodidacte pour des magazines informatiques des années 1990-2000, puis pour de nombreuses sociétés de traduction. Suite au refus par ces mêmes sociétés d'accepter une augmentation de ses tarifs en vingt ans, Peyron a fini par revenir à ses premiers boulots au SMIC, qui paradoxalement, vingt ans plus tard, rapportent plus que des traductions techniques… Actuellement, l'Expert en Tout fait donc de la mise en rayon, des inventaires et démonstrations en grande surface, monte et démonte des stands d'animation, donne des flyers aux passants dans la rue, distribue des prospectus dans vos boîtes aux lettres, et remplace des affiches dans les toilettes des bars et restaurants. De jour comme de nuit. Accessoirement, il est aussi auteur de BD en auto-édition, mais ça, vous le savez probablement déjà. Bref, Peyron est un type qui ne comprend absolument rien à rien, comme la plupart des imbéciles qui se baladent régulièrement sur les réseaux sociaux, mais ça va pas l'empêcher de donner son avis !

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